Dans le Chili de Pinochet, les services secrets disposaient d’un lieu retiré au milieu de la forêt du sud du pays où torturer et faire disparaître les opposants politiques, la Colonia Dignidad. La retraite spirituelle d’une communauté protestante ascétique servait de couverture à ce lieu stratégique. Cette secte retranchée derrière des barbelés était dirigée par Paul Schäfer, ancien nazi reconverti en apôtre zélé du protestantisme. Autoritaire et pervers, il usait de son charisme pour asservir hommes, femmes et enfants, qu’il maintenait séparés pour mieux assurer son emprise en empêchant toute contre-appartenance conjugale ou familiale. Pédophile et misogyne, il abusait les jeunes garçons dont il faisait des enfants de chœur dociles et humiliait publiquement les femmes au moindre écart de conduite en prétextant les laver ainsi de leurs péchés et les rapprocher du Seigneur.

Lorsque son petit ami y est déporté pour avoir pris des photographies compromettantes, Lena décide de s’enrôler dans la secte dans l’espoir de le retrouver alors même qu’elle sait que toute entrée est définitive.

A l’aide d’une bande son où chaque crissement de porte est accentué, Florian Gallenberger retranscrit bien le qui-vive permanent dans lequel étaient maintenus les membres de la communauté. Son film bénéficie également d’un casting particulièrement heureux. Les deux grands méchants du film, interprétés par Richenda Carey et Michael Nygvist, font vraiment froid dans le dos. Les deux acteurs jouent très bien l’aller-retour entre séduction mielleuse et extrême sadisme dont usent leurs personnages pour insécuriser leurs ouailles. Face à eux, le regard pénétrant d’Emma Watson et la douceur entêtée de Daniel Brülh donnent de la consistance à leur résistance rusée. Le devoir de mémoire est dignement accompli.

F.L.