Notre révolution intérieure est un film-manifeste. Fraîchement converti à l’idéologie spiritualiste, plus enthousiasmante que celle dans laquelle il a grandi, Alex Ferrini se fait le chantre de cette sagesse nouvelle dont il est l’heureux détenteur. Extraits de texte de Krisnamurti et témoignages des derniers chefs incas à l’appui, il nous exhorte à modifier notre rapport au temps pour être de nouveau capable d’être attentifs au monde qui nous entoure et à nous-mêmes. Selon que l’on souscrit ou non à cette idéologie, deux manières de voir le film se dessinent. Les amateurs de Pierre Rabhi et consorts apprécieront Notre révolution intérieure pour la pertinence de son propos, tandis que les sceptiques qui s’ingénieront à le regarder au second degré auront vraiment matière à distraction tant le film regorge de perles de gloubi-boulga new age. Les plus anthropologues d’entre eux verront même dans le film apologétique d’Alex Ferrini un symptôme de l’actuel retour du religieux sous les formes les plus diverses. Pendant pacifique de l’essor du fondamentalisme musulman, son spiritualisme partage avec lui, comme le dirait Raphaël Liogier, « le même souci hypermoderne de développement personnel et de moralisation de l’existence ». Pour remplir le vide de sens laissé par la fin des grands récits en Occident, une partie de la jeunesse se laisse ainsi pernicieusement séduire par l’idéologie du retour à la nature et à soi qui témoigne, par son assourdissante élision de l’influence de la structure sociale sur les individus, de la déliquescence inquiétante de la culture politique (et sociologique…) dans la jeunesse actuelle. En mettant de côté ces réserves intellectualistes, on pourra tout de même aller se ressourcer aux vertus euphorisantes de Notre révolution intérieure. En plus d’être riche d’interludes vraiment créatifs satirisant le métro-boulot-dodo quotidien de l’occidental moyen, le documentaire parvient à réjouir aussi bien nos yeux, avec sa captation des beautés naturelles de l’Amérique australe, que nos oreilles, avec sa bande-originale dont les accents latinos nous donnent méchamment envie de nous déhancher.

F.L.