Pour rendre hommage à l’excellent polar Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! Je vous propose une critique sous forme de roman noir.

 

Mad Will Détective privé. 17 heures. Mercredi 3 mai 2017.

 

On m’avait engagé pour arrêter 3 filles, Varia (Tura Satana) Rosie (Jai) et Billie (Lori Williams), des stripteaseuses se déplaçant dans des bolides et coupables de pas mal d’exactions dans divers états du Sud. Dans mon bureau, Jack, le père d’une certaine Laura, me racontait comment sa fille avait été enlevé par ces 3 furies. L’homme suait à grosse gouttes. Il fallait dire que ma climatisation n’avait plus donné signe de vie depuis deux jours.  Pour ma part, tant qu’il me restait encore quelques glaçons pour mon whisky quotidien, j’oubliais les 40 degrés qui régnaient à l’intérieur de la pièce. J’acceptais tout de suite l’affaire et me lançais sur la piste de ces 3 cinglées.

Ce fut une enquête difficile mais que voulez-vous, dans mon métier de privé, on adore les femmes dangereuses.

Il faut rappeler qu’en 65, dans certains états, c’était encore une coutume locale de pendre un noir pour un oui ou pour un non. Alors mettre en avant 3 femmes indépendantes capables de se battre comme des hommes a frappé les esprits de l’époque. La fille la plus difficile à supporter pour le public des drive-in fut Varia : une Asiatique capable en un coup de main de vous retourner les vertèbres. Ses comparses n’étaient pas mal non plus, avec Billie la blonde sauvage qui voulait assouvir son plaisir à tout prix, ou Haji au cœur dur comme la pierre qui se chargeait des basses œuvres pour la bande.

Après avoir enlevé Laura, elles s’étaient réfugiées dans une ferme tenue par un grabataire handicapé nommé Le vieux qui vivait avec ses fils. Et je peux vous dire que ces trois énergumènes offraient une piètre vision de la masculinité. Il y avait tout d’abord le père, l’impuissant libidineux qui gardait un trésor caché dans son fauteuil roulant que les filles voulaient récupérer.  Ensuite venait le légume, dont l’intelligence était à l’opposé total de sa forte musculature. Selon mon expérience de détective, il aurait été un parfait candidat pour le concours de la Police ! Et enfin nous trouvions Kirk, la tête toujours plongée dans les livres et dont le courage n’était pas la première qualité. Une belle brochette de ratés face à nos filles qui prenaient leur vie en main à l’image des bolides qu’elles conduisaient.

Comme dans tout bon polar, l’aventure devait s’écrire en noir et blanc, sauf qu’ici mon enquête profitait des bienfaits de la restauration numérique. Je me rendais à l’évidence, moi qui avait vécu la moitié de ma vie dans le VHS. Les films sans frontières (le distributeur) avaient offert le plus bel écrin possible aux aventures de nos 3 stripteaseuses.

Mon enquête me conduisit à un certain Russ Meyer, un réalisateur qui avait monté le coup avec notre trio d’effeuilleuses pour en faire un film. Beaucoup dans le milieu du cinéma, le considérait comme un faiseur quelconque de séries B, connu pour son obsession des courbes féminines. Pourtant dans cette affaire que j’avais fini par nommer Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! le bonhomme faisait montre de beaucoup de talent. Ces cadrages inventifs, son montage épileptique en mode cartoon, ses mouvements de caméra dynamiques témoignaient d’une approche inventive de la grammaire cinématographique.

Pour résumer, tout cela avait de la gueule. Si l’homme aimait cadrer les courbes féminines, c’était sans une once de complaisance, laissant deviner plutôt que montrer frontalement, faisant de ces héroïnes des icônes jamais vulgaires.

Mais revenons au centre de l’affaire avec la petite Laura qui avait été enlevée par notre trio de stripteaseuses. Je l’ai retrouvé au bout d’une heure trente et je peux vous dire que toute cette aventure l’avait changée. Sous une lumière crépusculaire de western, seule au milieu des dunes, elle s’était enfin réalisée. Elle était devenue actrice de sa propre en vie en se libérant de la bêtise des hommes. J’en ai eu les larmes aux yeux ! Du Simone de Beauvoir qui roule en V8 !

Mais je dois vous laisser, mon chauffagiste vient de m’appeler. Un certain Tarantino qui travaille dans les climatisations pour arrondir ses fins de mois. Le gars m’a raconté qu’il voulait partir réussir à Hollywood.

À la bonne heure ! Il serait même intéressé par mon histoire pour un scénario intitulé Boulevard de la mort

 

À plus tard !

 

MAD WILL