Une jeune prostituée (Hafsia Herzi) s’amourache d’un jeune homme au statut ambigu (Ashley Stymest). Tout se complique alors car dans sa situation l’amour n’est pas permis… Sylvie Verheyde s’attaque à un sujet épineux et mille fois rebattu et tombe dans quelques écueils. Le réalisme de sa description du milieu de la prostitution est parfois douteux et on peut déplorer quelques scènes menaçant de faire sombrer le film dans le mélodrame par leurs dialogues trop démonstratifs. Au-delà toutefois, la réalisatrice réussit à donner une belle épaisseur à ses personnages et à rendre ainsi aussi signifiante qu’émouvante la rencontre de deux individus pour qui la légèreté est impossible.

Le thème de la prostitution est régulièrement l’occasion pour les cinéastes d’essayer de capter ce qui distingue le plaisir simulé de l’abandon sincère. Sylvie Verheyde réussit plutôt bien l’exercice en suggérant que dans le second cas, l’identification à l’autre déclenche l’irrépressible espoir d’être accepté pour ce que l’on est. Ces mécanismes projectifs sont explorés à travers les autres binômes dans lesquels s’insère la prostituée. Qu’il s’agisse de la relation à l’amie coiffeuse qui ignore tout, à la maquerelle (Karole Rocher), à l’animal de compagnie dénué de tout jugement social, la possibilité du lien comme le risque de rupture sont conditionnés par le regard que l’autre porte sur son statut de prostituée. Ce faisant, la réalisatrice réussit une juste exploration de la conscience du stigmatisé, adossée à une musique et une photographie en parfait accord avec la tonalité mélancolique du récit.

Florine Lebris