Après vingt-trois années passées sous les verrous, Vincent (Jean-Claude Gauthier) est relâché en semi-liberté, placé sous bracelet électronique, chez son cousin agriculteur (Christophe Sauvion). Alors que toutes les nuits, le dispositif de surveillance contrôle sa présence à l’intérieur du périmètre circonscrit par la portée des ondes, Vincent se rend vite compte qu’il n’est pas le seul à être hanté par ses vieux démons...

De ce fond très lourd, par la grâce du regard empathique qu’il porte sur les êtres, Thibault Dentel transforme le fardeau de la répétition du même et de l’absurdité de la condition humaine en farce. La danse des accrochés regorge ainsi d’un humour noir qui ne vire jamais au cynisme. Le charme du film doit également beaucoup à ses personnages hauts en couleur, à commencer par le protagoniste, à qui Jean-Claude Gauthier prête son visage débonnaire, sa voix chaleureuse et son humour candide. Lui et les autres acteurs réussissent à rendre parfaitement naturels des dialogues pourtant très écrits, riches en répliques cocasses. Comme chez Beckett, on s’attache à des éclopés qui hésitent à s’accrocher à la vie ou à la mort, mais la tonalité absurde de la mise en scène nous incite à rire plutôt qu’à pleurer de l’ironie du sort toutes les fois où ils se retrouvent dans le pétrin. Les nombreux comiques de situation sont soulignés par une bande originale composée sur mesure par Jean-Luc Béranger, épousant la mise en scène avec une précision millimétrique et dont l’atonalité confère ce qu’il faut de bancal à l’ambiance du film. L’épure du noir et blanc, enfin, en nous focalisant sur les formes, amplifie la puissance visuelle des tableaux comiques que compose le réalisateur.

Thibault Dentel réussit une œuvre originale et riche en mêlant le thriller à la comédie burlesque. Sorte de Ladykillers à la française, La danse des accrochés nous attache d’abord à ses personnages pour mieux ensuite nous faire trembler pour eux. Du grand cinéma !

F.L.