Dans leur atelier, deux jeunes gens et un vieux projectionniste donnent forme à leurs rêves. Ils s’emparent de contes traditionnels orientaux et leur font subir au besoin un droit d’inventaire. L’un des personnages fait tapisserie ? On ne le conserve pas. La femme a un rôle de potiche ? On lui redonne une place active dans la résolution de l’histoire. Pour concevoir les décors et les costumes, ils se documentent sur l’art oriental. S’inspirant des palais hindous, des miniatures persanes et russes, ils composent en toile de fond des arabesques éblouissantes.

Même s’il utilise le numérique pour enrichir sa palette de coloriste, Michel Ocelot conserve « la simplicité de bon aloi » des silhouettes en ombres chinoises, qu’il s’amuse à distordre joyeusement au gré des métamorphoses de ses personnages. Dans chacun des contes, il oppose la bravoure et l’altruisme de jeunes gens qui n’hésitent pas à prendre leur destin en main, à l’autoritarisme et à l’égoïsme de nombreux adultes qui s’accrochent à leur petit pouvoir. Dans le plus personnel et le plus fort, La maîtresse des monstres, un rat rusé apprend à une sauvageonne échevelée à dépasser ses peurs en les regardant en face. A chaque objection que la petite fille trouve pour ne pas avancer, son compagnon lui dit simplement : « Bien sûr… Vas-y ». Le monstre, chez Michel Ocelot, est la jambe de bois que nous nous inventons pour justifier nos renoncements. Le réalisateur-conteur nous invite à briser ces barrières que nous nous mettons nous-mêmes comme pour nous protéger de notre propre audace. 

Florine Lebris