Après nous avoir immergés dans la forêt bariolée de son Tableau, c’est en bord de mer que nous convie cette fois-ci Jean-François Laguionie, dans une cité balnéaire normande où Louise laisse passer le dernier train du retour à la vie urbaine. Robinsonne dans une ville déserte, la vieille dame fixe alors ses pénates sur la plage, où la vie est omniprésente. Résolue à ne pas se laisser aller, elle s’impose des routines qui structurent sa vie solitaire. Les jours qui défilent tranquillement lui laissent tout loisir de cogiter. Dans ses pires cauchemars, elle se vit naufragée dans un monde où tout se délite autour d’elle. Dans ses réminiscences les plus délicieuses, elle revit les épisodes-clés de son enfance et de son adolescence. Selon sa propre expression, le temps de trois saisons, Louise écrit puis referme « le livre des ruminations ».

On ne s’ennuie jamais en suivant les modestes pérégrinations de cette femme au caractère bien trempé. On est absorbé, d’abord, par la richesse des images dessinées par Jean-François Laguionie. Leurs couleurs pastel, comme leur tracé simple, presque enfantin, nous donnent l’impression de replonger dans un album de l’école des loisirs. Le mélange des techniques de dessin (crayon de couleur, pastel et aquarelle), les contours volontiers inachevés, en laissant une bonne partie du décor ouvert, stimulent l’imagination. On se délecte, ensuite, des réflexions piquantes de Louise, à laquelle la comédienne Dominique Frot prête sa voix grave et désinvolte, et des dialogues qu’elle entretient avec le chien Pépère, « vieux et moche » mais philosophe, interprété par le réalisateur lui-même. Méditation sur le rapport aux autres et au temps à destination d’un public mature, Louise en hiver est une petite merveille de l’animation pour adultes.

F.L.