Le camp de Holot, situé au sud d’Israël dans le désert du Néguev, regroupe des réfugiés érythréens et somaliens que l’Etat d’Israël a interdiction d’expulser (conformément au droit international protégeant les ressortissants des pays où règne un chaos politique majeur), mais auxquels il refuse néanmoins l’asile. L’administration israélienne les contraint à y attendre indéfiniment, à quelques kilomètres de la frontière égyptienne, dans l’espoir qu’ils finiront par partir d’eux-mêmes. Avec eux, le réalisateur Avi Mograbi et le metteur en scène Chen Alon animent des ateliers de théâtre de l’Opprimé, dans lesquels les réfugiés rejouent les injustices qu’ils ont vécues. Ces derniers sont ensuite rejoints par des Israëliens avec qui ils peuvent inverser les rôles des demandeurs et des refuseurs d’asile de manière à atteindre une vision globale grâce à l’échange des points de vue.

Le documentaire d’Avi Mograbi a deux mérites. Il rend compte, d’abord, de la situation intolérable que constitue le camp de Holot. Il nous fait connaître à profit, ensuite, ce bel outil d’émancipation au service d’une plus grande fraternité des peuples qu’est le théâtre de l’Opprimé. Le film lui-même repose d’ailleurs sur les valeurs de l’empathie et la subtile analyse de ses mécanismes qui fonde théoriquement le théâtre de l’Opprimé, soucieux de faire tomber les frontières mentales qui empêchent l’identification à un homme dont la couleur de peau est différente de la sienne. Ainsi Avi Mograbi ne filme pas les réfugiés comme des victimes, il les filme dans un processus dont ils sont les co-créateurs.

Florine Lebris