Tout va très vite entre Rey l’acteur (Mathieu Amalric) et Laura la performeuse (Julia Roy). Ils se rencontrent, ils s’aiment, ils se marient, il meurt. Alors qu’elle se retrouve physiquement seule, Laura manque moins que jamais de compagnie.

Lorsqu'un poète en rencontre un autre, écrit Bachelard, il ne lui demande qu’une seule chose : « Comment se porte votre solitude ? ». C’est ce type de rapport qu’entretiennent Rey et Laura qui ont tous deux choisi de faire de leur vie la matière de leur art. L’habitude de fréquenter ses habitants intérieurs permet à la jeune épouse de ne pas s’effondrer à la mort de son mari, mais de le reconvoquer pour le garder vivant à l’intérieur d’elle.

En situant l’action dans une demeure de bord de mer fouettée par le vent, traversée de crissements énigmatiques, Benoît Jacquot construit une ambiance digne du Horla. La bande originale, fiévreuse, parfait cette évocation du glissement de la psyché vers une aliénation à considérer ici dans son sens le plus littéral. En effet, si Rey écrivait dans son journal intime : « Je reprends possession de moi par moi et non par l’autre », c’est l’expérience inverse que tente Laura. Au gré de ces explorations identitaires, libre à nous d’ouvrir le gros dossier de la dialectique du moi et de l’autre : l’autre n’est-il jamais qu’une projection de mon esprit ? Ou bien, au contraire, ne sommes-nous jamais que les autres que nous avons intériorisés ? Ou encore, si l’on dépasse la contradiction, nos constructions identitaires ne sont-elles jamais que des co-constructions ?

F.L.