Fantasque, Gabrielle (Marion Cotillard) est attirée par les hommes qui, parce qu’ils appartiennent à un monde où l’on lit des livres et où l’on pratique la musique, lui paraissent nimbés d’une lumière particulière. Obstinée, aveugle aux hommes issus d’un milieu qu’elle aspire à quitter, elle épouse José (Alex Brendemülh), humble maçon à qui sa mère la confie. Lors d’une cure, elle rencontre un homme qui va bouleverser sa vie (Louis Garrel)…

Mal de pierres a pour atout majeur ses trois comédiens principaux, dont les regards intenses semblent vouloir atteindre la ligne d’horizon. Nicole Garcia filme notamment Marion Cotillard lors de longs plans qui permettent d’apprécier la beauté d’un visage dans lequel on peut pourtant lire une frustration crispée. On reste fasciné par ce mélange de douceur et de dureté dans l’expression, par son regard à la fois éberlué et extrêmement volontaire, par ses murmures nettement intelligibles et par sa candeur effrontée.

Il traite ensuite d’un sujet pour lequel le cinéma est le medium idéal, à savoir la lourde tendance de l’être humain à se forger les illusions nécessaires à sa santé psychique. Sorte de Vertigo provençal, Mal de pierres donne ainsi vie aux chimères qu’invente l’esprit de Gabrielle, asphyxié par le manque affectif, pour que la réalité colle enfin à ses désirs. Imprégnée de ses lectures et de rêveries romantiques, elle désire vivre sa vie à la manière d'un grand roman d’amour pathétique. Incapable de se satisfaire du quotidien, elle projette en revanche ses fantasmes sur le moindre événement de sa vie.

« L’homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l’événement fortuit en un motif qui va ensuite s’inscrire dans la partition de sa vie. Il y reviendra, le modifiera, le développera comme fait le compositeur avec le thème de sa sonate. », écrit Kundera. A l’aide de minutieux inserts, Nicole Garcia montre comment son héroïne s’empare de certains détails qui dès lors restent profondément gravés dans sa mémoire affective et influencent ses choix de vie. Toute une anthropologie…

F.L.