Nocturama est un reflet de l’époque. De la révolte qui couve, mais surtout de l’absence de grand projet fédérateur à opposer au vide des perspectives politiques. Des dix adolescents que [[Personne:4240 Bertrand Bonello]] met en scène, un seul semble avoir des références théoriques solides. Il subjugue ses compagnons en leur synthétisant ce qu’il a retenu de ses cours de science politique. Pour lui, l’Histoire est une succession de phases de décadence et de renaissance. Et puisque le phénix de la civilisation renaît toujours de ses cendres, il faut mettre le feu. Sur cette nécessité-là, tous sont d’accord. C’est ensuite que les choses se compliquent. Réunis après leurs missions respectives dans le grand magasin où ils se cachent, on découvre qu’ils n’étaient qu’un faux collectif. Le chacun pour soi reprend immédiatement ses droits, sous le signe de l’errance. Loin de rejeter les produits de l’industrie du divertissement, pourtant clé de voûte de la fabrication du consentement, ils révèlent leur complicité avec le monde auquel ils ont attenté. Le cerveau de l’équipe lui-même se prend à douter d’avoir agi par lucidité politique. Devant ces jeunes gens hagards, ployant sous le poids de leur impuissance, la violence qu’ils ont déchaînée nous apparaît alors pour ce qu’elle est : un appel au secours lancé par une jeunesse désespérée.

F.L.