Le visionnage du Lendemain donne l’envie de pasticher Sartre et de dire : « La prison, c’est les autres. » En effet, quand il quitte réintègre la vie civile après deux ans d’incarcération, John ne fait que troquer une prison contre une autre, plus infernale. Le réalisateur suédois Magnus von Horn, dont c’est le premier film, rend manifeste cette continuité de l’enfermement en filmant régulièrement ses personnages derrière des vitres. Ces cloisons figurent bien les barrières que les braves gens érigent d’emblée contre cet adolescent criminel pour le rejeter hors de l’humanité au moment où ils auraient dû s’efforcer de l’y inclure à nouveau.

Depuis quelques années a émergé au Canada une démarche dite de ‘’justice réparatrice’’ consistant à faire se rencontrer criminels et victimes. Son but premier est de limiter la récidive en faisant réaliser concrètement aux auteurs de violences les lourdes conséquences de leurs actes sur la vie de vraies personnes qu’ils peuvent regarder dans les yeux. Contrairement à ce qu’on pourrait craindre, cette rencontre n’alimente pas le ressentiment. Dans la plupart des cas, elle a plutôt un effet apaisant sur la famille. Là où l’imagination créait des monstres, la confrontation à la réalité offre des éléments de compréhension auxquels l’esprit peut s’accrocher pour construire du sens.

Dans Le lendemain, ce recours salvateur à l’échange verbal fait défaut. Le père de John, qui l’élève seul, ne communique avec lui que pour le rappeler à l’ordre. La bienveillance du prof principal qui l’introduit dans sa nouvelle classe est immédiatement battue en brèche par un élève qui le menace sans même se retourner vers lui. Aucun travail d’élaboration psychique ne semble avoir été fait non plus du côté de la mère et des anciens camarades de la victime qui, piégés dans l’affect pur, ne sont capables de réagir au retour de son assassin que par les poings. Une discussion en face-à-face finira par avoir lieu, mais trop tard, lorsque l’escalade de la violence se sera déjà déchaînée contre John, et que son insoutenable monstruosité physique ajoutée à sa monstruosité morale provoqueront son ostracisation définitive.

Pour incarner cet adolescent diabolisé, Magnus von Horn a intelligemment choisi un acteur au visage angélique (Ulrik Munther). Loin des clichés, il ne fait pas de John une boule de nerfs incontrôlable, mais un jeune homme sur le retrait, presque doux. Il a aussi l’élégance de ne pas user de sadisme envers son spectateur, qu’il maintient toujours à distance des combats. L’absence de musique concourt également à réduire le pathos au minimum. Cette sobriété générale donne toute leur force aux seules images dérangeantes, point d’orgue du film : celles du visage tuméfié de John, qui cristallise toute la bêtise de la loi du Talion. Le maquillage rouge appuyé autour des yeux et de la commissure des lèvres évoque la figure du Joker, comme une manière de nous forcer à nous interroger sur son futur. Quelles sont les chances pour qu’un adolescent paria ne devienne pas un adulte antisocial 

F.L.