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Après avoir abordé dans une première partie la genèse et le tournage de l'adaptation des Trois mousquetaires par Richard Lester, je vous propose aujourd'hui la critique à proprement dit des films Les Trois Mousquetaires et de sa suite On l'appelait Milady .

Pour véritablement apprécier Les Trois Mousquetaires  et sa suite On l'appelait Milady , je vous invite à regarder les deux œuvres à la suite comme un seul film. Cette expérience sera à même de vous restituer la richesse d'une oeuvre qui débute comme un divertissement virevoltant avant de devenir plus sombre à mesure que les personnages doivent faire face à leur passé. Pour avoir tenté l’expérience, je vous garantis 3 heures et demie de plaisir intense avec des retournements de scénario inattendus et les personnages hauts en couleur. Je vous proposerai donc une critique qui considère ces deux longs-métrage comme une seule et même oeuvre cinématographique.

Quand on regarde le film, on est tout de suite frappé par la capacité de Lester de nous offrir un spectacle divertissant qui n’élude jamais le contexte sociopolitique de l'époque comme l’avait souligné en son temps, l’ancien critique et cinéaste Peter Bogdanovitch, une figure du cinéma d’auteur américain qui avait qualifié l’œuvre de politique. Ainsi, le personnage de Richelieu est nettement plus subtil que dans les autres adaptations de Dumas. Interprété avec beaucoup de justesse par un Charlton Heston à contre-emploi par rapport à ses personnages d’homme d’action, Richelieu n’est jamais présenté comme un méchant mais comme un homme politique qui doit se salir les mains car il doit mener les affaires du royaume à la place d’un roi oisif.

Lester est un cinéaste qui soigne toujours le contexte social dans ses films. Dans La Rose et la Flèche , il montrait une Angleterre appauvrie par les guerres incessantes de Richard Coeur de Lion. Même dans une superproduction tel que Superman 3, il parvenait à glisser un message contre le reaganisme par le biais du personnage du chômeur interprété par Richard Pryor. Dans son adaptation de Dumas, il insiste sur la faible alphabétisation du royaume avec un d’Artagnan incapable de lire la moindre missive. Il souligne également la saleté ambiante. En effet, malgré les belles toilettes des acteurs, il n’hésite pas à filmer la crasse environnante. Quant au portait du couple royal qu’il esquisse pendant le long-métrage, il est incisif et nous montre une royauté oisive et déconnectée du monde. On peut en voir l'illustration à travers cette scène de l’échiquier totalement surréaliste, dans laquelle Richelieu essaye de mener les affaires du royaume alors que le roi, considérant ses sujets comme des animaux de compagnie, joue aux échecs pour tuer le temps avec des chèvres comme pièces du jeu.

L’humour comme toujours chez Lester est présent et pourra désarçonner quelques spectateurs. Comme je le soulignais dans mon article sur la genèse du projet, le réalisateur américain use avant tout du registre comique pour permettre aux spectateurs de mettre en perspective l’histoire que raconte le film. On pense dans Les Trois Mousquetaires à cette scène de l’auberge où Lester va recourir au burlesque pour montrer que les mousquetaires sont obligés de voler pour se sustenter à une époque où les soldats peinent à survivre avec leur maigre pension. L’approche teintée de réalisme et de comique se retrouve également dans les combats du film. Considérés comme grotesques par certains spectateurs, ils sont pourtant proches de la réalité d'une époque où les épées étaient encore très lourdes. Lester nous amène donc à rire des ratés des personnages lors des duels où leurs soit-disante botte sécrète s’avère surtout dangereuse pour celui qui l’exécute. L’humour ici sert à démystifier les combats hollywoodiens qui n'ont aucun rapport avec la réalité historique.

La mise en scène est d’une grande élégance. Le réalisateur met en valeur les paysages d’Espagne qui lui ont servi de décors. Il sait également se montrer particulièrement inventif dans ces combats à l'épée lors de ce duel à Calais où D’Artagnan et Rochefort s’affrontent en tenant une lanterne pour s’éclairer. On pense également à ce combat final dans le couvent où le réalisateur nous offre un découpage de haute volée. Richard Lester s’affirme ici comme un technicien accompli, capable de diriger les scènes d’actions ou intimes avec la même maestria.

Mais surtout Lester est avant tout un admirable directeur d’acteurs. Son film est à ce titre porté par un casting de haute volée. Michael York est un d'Artagnan candide et énergique qui est très fidèle au héros de Dumas. Si Richard Chamberlain et Frank Finlay sont plutôt bons en Aramis et Portos, Oliver Reed quant à lui crève l’écran. Doté d’un magnétisme naturel, il donne toute sa gravité au film quand on découvre sa relation avec Milady. Sa prestation est tellement unique que nous avons l’impression que Dumas écrivait le personnage d’Athos en pensant à l’acteur anglais. Face à lui Faye Dunaway qui apparaît surtout dans la seconde partie du film est sublime. Elle s’avère à la fois inquiétante et profondément humaine en Milady, car victime de la violence des hommes. Alors que ses mains sont couvertes du sang de ses crimes, on souhaite pourtant que le bourreau ne fasse pas son terrible labeur à la fin. Tous les acteurs sont au diapason des premiers rôles, que ce soient Christopher Lee, Charlton Heston ou Géraldine Chaplin, c’est un sans-faute. Enfin, Raquel Welch est bien utilisée par Lester qui se joue de son statut de star sexy pour faire de Constance une jeune femme plus libérée et moins ingénue que le roman laissait penser.

Les Trois Mousquetaires et On l'appelait Milady qui devaient constituer un seul film, restent à mes yeux la meilleure adaptation du classique d’Alexandre Dumas. En effet, Lester et son scénariste l’écrivain George MacDonald Fraser ont réussi à proposer une adaptation personnelle du roman via l'humour tout en restant d’une fidélité sans faille à la trame du roman. Il faudra attendre Steven Spielberg avec Les Aventuriers de l'Arche perdue pour retrouver un tel savoir-faire en matière d'action et de comédie. Les Trois Mousquetaires et On l'appelait Milady font partie de mon panthéon cinématographique car Lester est arrivé à transformer une simple commande en une œuvre personnelle passionnante.

Dans notre pays ou l’intellectualisme et la pédanterie parfois se confondent, je l’affirme haut et fort les romans de cape et d’épée de Dumas longtemps boudés par des tenants de « la littérature intellectuelle dite blanche » sont tous simplement des œuvres majeures de notre patrimoine littéraire et doivent être célébrées comme telles. Quant à Lester comme le déclare Steven Soderbergh, c’est un cinéaste essentiel auquel il est temps de redonner sa place dans l’histoire du cinéma : celle d’un réalisateur de premier plan !

Mad Will