Au début des années 80, Neil Jordan s’était fait un nom avec La Compagnie Des Loups , une adaptation de l'écrivaine Angela Carter connue pour son univers fantastique teinté de conte de fées où elle développait un discours féministe. Il s’était également fait remarquer à Cannes avec le long-métrage Mona Lisa qui avait permis à son interprète principal Bob Hoskins de rafler un prix d’interprétation et d’intégrer le casting de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis .

High Spirits est l'occasion pour Jordan de traverser l’Atlantique et de s’émanciper de l’Angleterre qui était la principale source de financement du cinéma irlandais. Pour le cinéaste, c’est un retour au cinéma fantastique après La Compagnie Des Loups dont il reprend certains techniciens comme le directeur artistique surdoué Anton Furst. Un artiste qui façonnera les décors baroques du Batman de Tim Burton . Neil Jordan voulait proposer à ses spectateurs une œuvre qui allait opposer le folklore irlandais aux idées reçues de l'Américain moyen. Malheureusement pour lui, il fut dégagé de la salle de montage par ses producteurs qui remontèrent High Spirits sans lui. Neil Jordan est clair quand il en parle, le film sorti en salle est très différent du long-métrage qu’il a tourné.

Quand on regarde le film, il est évident que celui-ci souffre de problèmes d’écriture. Dans un premier temps, High Spirits se focalise sur le personnage de Peter Plunkett interprété par Peter O'Toole . L’acteur vedette de Lawrence d'Arabie joue ici avec beaucoup de dérision et de malice un vieux châtelain qui risque de voir sa demeure rachetée et détruite par un riche américain. Avec les habitants du coin, il va essayer de faire de la vieille demeure des Plunkett un manoir hanté censé attirer les touristes afin de récupérer un peu d’argent. Mais dès l’arrivée du car rempli d’Américains venus visiter le château, le film change de ton et devient un simple marivaudage entre des fantômes bien réels et le couple joué par Steve Guttenberg et Beverly D'Angelo . Le personnage de Peter Plunkett est alors réduit à de la simple figuration, à l’instar de ses compatriotes irlandais.

Il semble évident que l’intention du réalisateur de confronter les légendes irlandaises aux représentants du Nouveau Monde, fut réduite à zéro par ses producteurs qui ont voulu pour des questions de box-office recentrer le film sur les frêles épaules du héros de Police Academy : Steve Guttenberg. Pas vraiment à la hauteur, il ne fait pas le poids par rapport aux autres interprètes. Au final, nous avons l’impression de voir plusieurs films en un. Si Neil Jordan avait voulu recentrer l’action de son long-métrage sur les touristes venus visiter le château, pourquoi a-t-il pris autant de temps pour nous présenter Plunkett et les habitants du château, alors qu'ils ne servent à rien dans le récit ? Le montage d'High Spirits initié par la production s’apparente donc à du bricolage.

On retrouve néanmoins dans le film certaines de ses obsessions. Dans la plupart de ses longs-métrages, Neil Jordan propose en filigrane un discours plutôt ouvert et bienveillant par rapport à la sexualité. Ainsi, La Compagnie Des Loups peut-être perçue comme un manifeste sur l'éveil à la sexualité pendant l'adolescence. De la même manière, Entretien avec un vampire mettait en scène une relation amoureuse entre deux hommes dans le cadre d’une superproduction. Enfin, The Crying Game nous montrait que l’amour n’avait pas de genre à l’aube des années 90. Dans High Spirits, le réalisateur célèbre le coït et le libertinage malgré les coupes évidentes de la production qui désirait sortir en salles un film familial. En effet, seul l’orgasme dans le film peut permettre aux spectres de revenir à la vie. Quant au bonheur, il ne semble exister qu’en dehors des vœux du mariage ou de la religion. C'est ainsi que Jennifer Tilly n’hésite pas à défroquer un aspirant religieux.

Le réalisateur irlandais est particulièrement doué pour mettre en scène la magie et l’émerveillement. Dans High Spirits , on pense tout particulièrement à deux séquences :  la scène où le bus de touristes se perd dans la brume, et l’attaque du monstre marin qui s’échappe du théâtre de marionnettes. Pour créer ces images hors du temps, il peut compter sur Alex Thomson, l’un des meilleurs chefs opérateurs britanniques. Le directeur de la photographie entre autres d’Excalibur et de Legend , façonne ici une lumière très artificielle où les sources lumineuses sont souvent visibles, afin de donner l’impression aux spectateurs de pénétrer dans un monde irréel. Mais dans la deuxième partie d'High Spirits , on regrettera le recours à de trop nombreux effets spéciaux qui prennent le pas sur l’ambiance. Le long-métrage s'éloigne alors des légendes irlandaises et finit par ressembler à un mauvais S.O.S. Fantômes .

High Spirits est à voir et à revoir !

Mad Will