Film méconnu de son auteur, Le Roi de coeur est à redécouvrir absolument. Ce long-métrage est un projet personnel pour Philippe de Broca qui était devenu un réalisateur populaire avec Cartouche, L'Homme de Rio ou Les Tribulations d'un Chinois en Chine. Malheureusement, il ne rencontrera pas le succès avec ce film anticonformiste qui mis à mal sa société de production Fildebroc. Mal reçu par la critique et totalement ignoré par le public, le film devra son salut aux cinéclubs des facs américaines qui en firent une œuvre culte en raison de son message antimilitariste. Un échec qui meurtrit le réalisateur qui envisagea même un temps de devenir pilote d’hélicoptère (ou d’avion, les sources se contredisent) au Gabon.

L’œuvre de de Broca est une invitation à l’évasion où les personnages se libèrent des contingences du réel par le biais de l’aventure ou de leur imagination fertile comme dans Le Magnifique. Une oeuvre à l’image d’un réalisateur dont l’allure adolescente est en corrélation avec son enthousiasme débordant. Marqué par son service en Allemagne et en Algérie, il met ici en scène un village perdu dans le nord de la France ou un soldat anglais pendant la Première Guerre mondiale fait face à des aliénés qui se sont échappés de l’asile. Dans cette fable antimilitariste, son héros interprété par Alan Bates deviendra le « roi de coeur » de ceux que notre société normée enferme dans ses établissements psychiatriques.  
Devant sa caméra, il réunit les différentes familles du cinéma français. On retrouve ainsi des comédiens venant de la Nouvelle Vague comme Brialy, des acteurs du cinéma classique français tels Pierre Brasseur, sans oublier des amuseurs publics tels Michel Serrault. Le Roi de coeur est un chef-d’oeuvre dont certaines séquences resteront à jamais gravées dans l’inconscient du spectateur à l’image de cette scène où la ballerine nommée Coquelicot se déplace entre les maisons du village par le biais d’un fil. Ce film célèbre la folie face à la France Gaullienne engoncée d’alors. C’est une œuvre poétique éprise de liberté, nous invitant à jouer un autre rôle dans nos existences absurdes.  Parfaitement filmé par un de Broca qui semble avoir soigné chaque cadre avec un soin maniaque, photographié de main de maître par Pierre Lomme qui oppose les couleurs bariolées des tenues des fous aux uniformes militaires, ce long-métrage s’appuie sur une bande-son de haute volée mêlant thèmes mélancoliques et ritournelles enfantines signée Georges Delerue.

Improbable rencontre entre La Grande Illusion et le cinéma de Jodorowsky, Le Roi de coeur est tout simplement indispensable !

Mad Will