Dans la jungle, terrible jungle… pas de lion mis à mort mais une sympathique et surtout très énergique bande de jeunes résidents de « La Pépinière », un verdoyant IME des Hauts-de-France. Sous l’œil bienveillant de ses éducateurs et intervenants, cet Institut Médico-Éducatif propose de nombreux ateliers (musique, théâtre, horticulture) à des adolescents atteints de déficience visuelle et d’autisme.

Après plusieurs semaines d’immersion à la Pépinière, le projet des deux jeunes réalisatrices Caroline Capelle et Ombline Rey s’est défini : l’idée n’était pas de faire un film sur les handicapés mais un film avec les handicapés, en créant des personnages à partir des caractères détonnant de chacun. Il y a Léa, du genre première de la classe qui conseille les plus jeunes et veut devenir chanteuse, Gaël, qui ne dit rien et qui menace de péter les plombs à tout moment, Médéric, qui traverse le champ sans crier gare et écrit des histoires, ou encore Ophélie, une incroyable mélomane qui chante juste et tape sur tout ce qu’elle trouve pourvu qu’il en sorte un rythme. L’ensemble de ces personnages donne lieu à un film hybride, entre documentaire et fiction (voire parfois comédie musicale) qui en dit long sur les angoisses adolescentes, les premiers émois amoureux, et la vie en communauté dans un IME, où le professionnalisme des éducateurs n’empêche pas des crises de larmes et de doute.

Cela ne se remarque pas forcément tant le jeu est habile, mais certaines séquences sont entièrement mises en scène (le coup de téléphone de Léa à sa mère, la déclaration d’amour de Simon, la scène finale en-chantée) tandis que d’autres ne s’improvisent pas. La crise de Gaël, par exemple : une séquence impressionnante où le jeune homme, alors qu’il tondait la pelouse, se jette au sol et sur le bas-côté avec violence, du haut de son corps immense et incontrôlable. Pour le spectateur c’est un choc, la scène est déchirante (on a peur que Gaël se blesse), mais Éric, l’éducateur qui l’accompagne, est visiblement habitué, il connaît et devine les émotions du jeune garçon. « Oui, oui, je sais ce que tu cherches et je vais te le donner » le rassure-t-il en ramassant les lunettes de Gaël perdues dans les feuilles. Même si le courage et l’humour les ados de la Pépinière font d’eux les stars du film, une belle place est ainsi réservée au travail des éducateurs, leur patience et leur dévouement.

Dans la terrible jungle est un premier film très réjouissant, drôle, émouvant, et surtout sans apitoiement sur le sort de ces jeunes handicapés qui, malgré leurs difficultés physiques et mentales, présentent des aptitudes incroyables. On aurait difficilement cru possible qu’un documentaire sur le handicap puisse être un feel-good movie, c’est pourtant le pari que Caroline Capelle et Ombline Rey ont brillamment relevé.

S.D.