Tout est ordre et beauté, foot, jeunesse et plan de carrière dans la vie de Mario, l'athlétique blond aux yeux bleus, espoir de son club de football. Tout du moins avant qu'un grain de sable ne vienne enrayer cette chronique d'un succès annoncé : un nouveau joueur à la beauté plus latine intègre son équipe. D'abord jaugé comme un concurrent potentiel, le nouvel arrivant devient la pièce complémentaire d'un tandem d'attaquants que les entraîneurs semblent vouloir promouvoir en duo. Soucieux de son avenir professionnel, Mario se lie d'amitié avec le jeune homme sur le conseil de son coach. Pour son partenaire, en revanche, leur intimité croissante touche une corde plus sensible.

   Sobre et réaliste, le film du réalisateur suisse Marcel Gisler explore le fonctionnement et les valeurs du monde du football en mettant en scène un jeune homme pour qui la carrière de joueur de ballon rond est l'aboutissement logique d'une socialisation masculine réussie, mais dont les certitudes vont se trouver bousculées par la rencontre avec un garçon aux désirs différents. Tout l'intérêt du film est de scruter les conséquences du bouleversement intérieur, du doute existentiel qui naît, et ne pourra plus jamais s'éteindre, de la connaissance de ce nouveau possible. Le jeune espoir chute, écartelé entre deux mondes contradictoires, celui dans lequel il évolue depuis toujours, où il faut respecter les codes virils, et l’autre, qui lui est encore inconnu, où il faut se défier du regard des autres mais où il est permis d'être qui l'on veut. Le premier des mondes étant extrêmement rigide, c'est la tentation même du second que Mario va devoir dissimuler, tant qu'il n'a pas tranché. C'est toute une comédie des apparences qui commence alors, qui révèle au garçon l'artificialité des attitudes auxquelles il se prêtait auparavant sans se poser de questions, mais qu'il ne peut plus désormais adopter spontanément.

   Tragédie cornélienne moderne sommant son protagoniste de choisir entre la passion et le confort social et financier, le film émeut parce qu'il nous renvoie à toutes ces croisées de chemin où l'être humain est incité à sacrifier des espoirs sentimentaux sur l'autel de la raison professionnelle. Mario est une touchante histoire de vie.

F.L.