Riadh, Nazli et leur fils unique Sami mènent une vie modeste mais heureuse à Tunis. Alors que la date du bac approche, Sami souffre de terribles migraines qui inquiètent ses parents, en particulier son père. Prêt à tout pour le bonheur de son fils, Riadh se démène pour sauver son fils. Il est loin d’imaginer que celui-ci nourrit en réalité un sombre projet contre lequel il ne pourra rien : rejoindre la Syrie et intégrer le djihâd.

Lorsqu’un enfant disparaît, les parents aiment à privilégier la soirée arrosée qui s’éternise, ou la rencontre amoureuse. Pour Riadh et Nazli, le suspense est de courte durée : ils découvrent horrifiés un message de leur fils leur annonçant son funeste voyage. Ses raisons restent mystérieuses car ce qui importe pour le réalisateur Mohamed Ben Attia (Hedi, un vent de liberté) ce n’est pas de faire un film sur l’enrôlement au djihâd, mais sur l’impact qu’il peut avoir sur ceux qui restent. La douleur est immense, la culpabilité et le questionnement persistent : comment un tel projet a-t-il pu se construire sous le toit d’un foyer soudé sans que personne ne s’en aperçoive ? Si Nazli se réfugie dans le chagrin, Riadh, lui, décide d’agir.

Ce père, fraichement retraité de son métier de cariste, est un personnage cinématographique d’une force rare. Peut-être parce qu’on a plus l’habitude des mères courage que des pères poules, mais certainement parce que l’interprétation de Mohamed Dhrif, pleine d’humanité, est extrêmement touchante. On sait qu’il ment lorsqu’il propose à Sami de venir le chercher tard dans la nuit à une soirée, prétendant voir un ami pendant ce temps, alors qu’il somnolera dans sa voiture en attendant le coup de fil de son fils, et on sait qu’il sera prêt à tout pour le ramener plus tard en Tunisie, quitte à passer lui-même la frontière syrienne.

Sélectionné à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, Mon Cher Enfant est aussi un film sur le nouveau quotidien auquel doit se réhabituer un couple lorsque leur unique enfant (et a priori raison de vivre) quitte la maison : Riadh et Nazli sont déjà âgés et semblent avoir oublié ce qu’est la vie à deux.

Mise en scène épurée, plans séquences, personnages en crise, le cinéma de Mohamed Ben Attia fait penser à celui des frères Dardenne auquel il est justement intimement lié : le duo belge est pour la seconde fois producteur de l’œuvre de leur homologue tunisien.

Suzanne Dureau