Buenos Aires au début des années 70, Carlitos, dix-sept ans, un visage d’ange aux boucles d'or parfaites, aime s'introduire dans les villas bourgeoises pendant l’absence des propriétaires pour caresser les luxueuses tentures, se servir un whisky et se déhancher sensuellement au son d'un vieux disque. Au lycée, il rencontre Ramon (Chino Darin, fils de Ricardo Darin) qui lui présente son père, grand organisateur de cambriolages. Carlitos, qui faisait jusqu’à de son activité interdite un simple passe-temps, est immédiatement adopté par la famille criminelle. Lorsqu’il manipule son premier révolver, le coup de foudre est immédiat : plus que de dérober des bijoux de famille, tuer se révèle être sa véritable passion. C’est donc avec une surprenante désinvolture que l’adolescent efféminé devient un assassin acharné, capable de décharger son arme sur deux gardiens de coffre endormis. Même s’il n’approuve pas son comportement, le beau Ramon est fasciné par la facilité de son acolyte à enfreindre les lois. Comme s’il n’était capable d’aucune émotion, Carlitos commet les pires crimes et rentre le soir chez sa maman à qui il assure avec un sourire juvénile ne rien faire de mal.

L’histoire est véridique : surnommé « l’Ange de la mort » d’après son physique botticellien, Carlos Eduardo Robledo Puch a sévi en Argentine avec au moins 11 meurtres à son actif jusqu’à sa condamnation à perpétuité en 1972. Mais le réalisateur Luis Ortega ne donne pas dans le biopic classique qui reconstituerait scrupuleusement les crimes diaboliques du garçon. Il n’en fait d’ailleurs pas des événements majeurs dans le récit, sans doute la meilleure option pour les appréhender de la même manière que leur auteur : de façon froide et anodine. Images exquises, pantalons en velours, tubes espagnols, somptueux décors seventies… l’Ange est un objet pop, enivrant, qui préfère s’attarder sur l'intrigante personnalité de Carlitos et l'ambigüité de la relation qu’il entretient avec Ramon, que sur le déroulé exact de son histoire. Parmi tous les personnages, et même si aucun n’est négligé dans l'écriture, on retiendra  surtout la prestation irradiante de Lorenzo Ferro en Carlitos, sa silhouette androgyne, et son sourire malicieux de gamin pour qui le mal et le bien ne font qu’un.

S.D.