Dans la campagne espagnole, Laura (Penelope Cruz) retrouve toute sa famille pour célébrer les noces de l’une de ses sœurs. Après une longue série d’embrassades, de danse et de rires frénétiquement filmés, sa fille de seize ans disparaît au milieu de la fête. La comédie tourne alors (littéralement) à l’orage et devient une enquête sordide.  

Asghar Farhadi réunit tous les ingrédients du genre : la découverte du drame sous une pluie battante, la certitude que « le coupable est parmi nous », la demande anonyme de rançon, la grande maison de famille au premier abord chaleureuse qui se transforme en scène d’un théâtre inquiétant… On retrouve également la structure narrative habituelle du réalisateur, lorsque l’événement dramatique devient prétexte à explorer les secrets familiaux enfouis. Ici, la distillation du non-dit est progressive jusqu’à gangréner chaque personnage et admettre l’évidence : tout le monde connaissait le secret de Laura, « everybody knew ». 

Comme dans une partie de Cluedo, les suspects ont tous leur particularité qui fait la singularité de leur personnage. Ainsi le patriarche colérique règne sur ses trois filles, Laura, éplorée d’avoir perdu son enfant, se repose sur le plus beau personnage du film, Paco, son amour de jeunesse retrouvé. Vigneron, Paco (Javier Bardem) a grandi dans les pattes de la famille sans jamais en faire partie. Il est pourtant toujours aussi dévoué et présent pour Laura dont le mari (Ricardo Darin) tarde à arriver d’Argentine. Le réalisateur iranien prouve une seconde fois, après Le Passé tourné en France, que la langue n’est pas une barrière à la direction de ses acteurs.

On a reproché à Asghar Farhadi d’avoir fait un film trop académique, perdu dans les clichés du genre, mais c’est pourtant cette utilisation parfaite des codes qui donne cette enquête si haletante et si bien construite, et grâce à cela on lui pardonnerait presque son dénouement décevant. Habitué du festival de Cannes (doublement récompensé en 2016 par le prix du scénario et de l’interprétation masculine pour Le Client), le cinéaste a eu l’honneur cette année d’ouvrir la cérémonie avec Everybody knows, également en course pour la compétition officielle.

S.D.