Esmail est le charmeur, celui qui arpente les bars huppés à la recherche de la femme idéale, riche de préférence, pour l’épouser et ainsi obtenir un permis de séjour. Car pour ce bel Iranien immigré, difficile de trouver sa place dans un pays où il n’est pas légitime. Déménageur non déclaré, il ne lui reste que quelques mois avant d’être renvoyé chez lui. Esmail couche, machinalement, avec des dizaines de femmes avant de se faire jeter et de retrouver sa petite chambre au sein d’un logement social. Un jour, il croise le chemin de Sara, iranienne elle aussi, mais intégrée. D’abord réticente car consciente des attentes d’un réfugié, la jeune femme fini par s’en rapprocher. Sous le charme, Esmail est pourtant hésitant, car en plus d’être poursuivi par un homme inquiétant, il a laissé en Iran un lourd secret.

The Charmer aborde l’inconfort de l’étranger dans un milieu hostile. Au Danemark, Esmail est vu comme une bête charmante, dont l’exotisme physique est l’atout numéro un. On ne connaît pas la genèse de sa fuite, ni s’il a précédemment échoué dans une recherche de naturalisation plus « normale ». Mais aujourd’hui, il se contraint à enchaîner les aventures amoureuses pour espérer rester dans le pays. Malgré sa démarche malhonnête, le personnage d’Esmail n’est ni négatif ni détestable. Peut-être que les yeux tristes et noirs d’Ardalan Esmaili (véritable révélation du film, on le verra prochainement dans Domino de Brian de Palma) suffisent à charmer le spectateur aussi facilement qu’il charme les Danoises…

The Charmer est un premier film et cela se ressent : l’image est léchée, la mise en scène très maîtrisée, et le récit scrupuleusement structuré par une ouverture mystérieuse (le suicide d’une femme), une intrigue principale (le destin d’Esmail), une seconde en parallèle (qui n’apporte d’ailleurs pas grand chose) puis une fin inattendue. Malgré ce déroulement un peu rigide, le film se révèle attachant. Sans adopter un point de vue misérabiliste, il dépeint avec finesse le quotidien d’un des nombreux déracinés à qui l’Europe ferme ses portes.

S.D.