Voir le film sur Shadowz : https://www.shadowz.fr/content/program-1972

Peter Hyams n’a pas toujours été le servile réalisateur des gros bras d’Hollywood, il fut également au début de sa carrière un excellent artisan qui signa de très bons longs-métrages tel que Capricorn One . Réalisateur, il occupait également le poste de directeur de la photographie sur la plupart de ses films au grand dam des syndicats de techniciens américains qui refusent qu’un même homme occupe plusieurs postes sur un plateau. On retiendra de sa carrière le crépusculaire Outland (une influence majeure pour des séries comme The Expanse) et 2010 tous deux dans le domaine de la science-fiction. Je vous invite également à revoir La Nuit des juges , une relecture plutôt maline des vigilant movies et Le Seul Témoin avec Gene Hackman, un remake plutôt réussi de L'Énigme du Chicago Express de Richard Fleischer Hyams démontrait tout son savoir-faire technique grâce à un montage ciselé et des plans extrêmement soignés.

Son bagage technique, Hyams l’acquiert au sein de la chaine de télévision CBS pour laquelle il réalisa de nombreux documentaires. Pendant ces années de formation, il met en boite des programmes sur la mission Apollo et se retrouve à filmer des simulations d’alunissage à la NASA. Au début des années 70, alors que le Vietnam semble perdu et que les affaires autour du gouvernement Nixon s’amoncèlent, il repense aux images qu’il avait captées à CBS, en se disant que la NASA aurait pu très bien les diffuser en faisant croire que l'homme avait marché sur la lune. Même s’il n’est pas forcément un adepte des thèses complotistes, le sujet lui semble idéal pour réaliser un thriller paranoïaque au moment où le genre était à la mode grâce aux films d'Alan J. Pakula. Il rédige alors un script mais ne trouve pas preneur. En effet, son précédent long-métrage Peeper pour la Fox a été un four au box-office. Son salut, il le devra en grande partie aux capitaux de la compagnie Anglaise ITC connue pour avoir produit des séries cultes comme Le Prisonnier ou Cosmos 1999. Il va également obtenir un soutien inattendu de la part de la NASA (documents techniques, module de fusée prêté) alors que le film s'interrroge sur le programme spatial américain. Néanmoins, en choisissant de montrer un faux atterrissage d’une fusée sur Mars, il n’a pas remis en cause l’histoire officielle et ainsi n’a pas froissé les autorités. Excellent technicien, Hyams n'aura pas dépassé son budget tout en respectant ses délais de tournage alors qu’il y a de nombreuses cascades à mettre en boîte comme le final dans les airs. À sa sortie, Capricorn One est plutôt bien reçu et engrange au box-office 30 millions de dollars pour un budget de 5 millions seulement.

Le scénario de Capricorn One est à l’image de sa mise en scène rigoureuse. Le script est parfaitement structuré avec la mise en place de la supercherie durant la première moitié du film avant que le long-métrage prenne la forme d’une course-poursuite haletante dans la seconde partie plutôt orientée action.

Capricorn One débute par l’entrée de trois astronautes dans une fusée. Au moment du départ, on demande à ses occupants de sortir. Les trois hommes censés partir vont alors découvrir que ce voyage dans l'espace est une supercherie au moment où l'engin spatial quitte la Terre en direction de Mars sans personne à son bord. Menacés par le gouvernement, ils vont devoir simuler un atterrissage sur la planète portant le nom du dieu de la guerre, dans un studio installé sur une base militaire, afin de fournir aux télévisions les images d’une Amérique triomphante marchant sur le sol martien. Hyams interroge ici l’esprit pionnier de l’Amérique qui s’est construit sur le mensonge tout en critiquant le libéralisme effréné de son pays. Pourquoi l'engin spatial ne peut pas partir sans astronautes ? C’est simple ! À force de baisser les prix et de multiplier les sous-traitants, les fusées sont devenues trop dangereuses pour les êtres humains.

Alors que le pays se passionne pour un voyage dans l’espace qui est en réalité un mensonge, un journaliste va commencer à remettre en cause l’histoire officielle.  Hyams va reprendre ici la figure popularisée par le Watergate, du rédacteur de presse comme dernier rempart de la démocratie. Pour le jouer, il engage Elliott Gould l’un des acteurs phares de MASH , un film référence du cinéma contestataire. Par ses choix de carrière et sa collaboration avec Altman, Elliott Gould est encore à l’époque de Capricorn One  le symbole d’un cinéma américain anticonformiste. Il apporte ici beaucoup d’humour et de nonchalance à son personnage. Au retour de la fusée, alors que Gould essaye de réunir des preuves pour montrer l'ampleur de la supercherie, la fusée inhabitée explose dans l’atmosphère terrestre. Le journaliste est alors convaincu que les astronautes courent un grand danger. En effet, censés être morts dans l’atmosphère, ils devront être éliminés, mais ceux-ci finissent par s'échapper et une course-poursuite s'engage.

Hyams est un cinéaste qui sait vraiment tout faire. Il réussit aussi bien les scènes se situant dans les alcôves du pouvoir où le dialogue est roi que les séquences de traque avec nos trois pilotes de la NASA qui essayent d'échapper à la CIA. À noter que le film se conclut par un impressionnant affrontement entre un biplan et des hélicoptères dont la maestria visuelle n’a rien à envier au John Badham de Tonnerre de feu

Capricorn One est un film nécessaire sur la possible falsification des images. On se souvient tout particulièrement de cette séquence où le réalisateur nous donne à voir les images télé des cosmonautes se tenant devant le drapeau américain en train d’écouter le discours du président. Hyams filme ensuite en gros plan le casque de l’un des pilotes. La caméra s’éloigne alors et nous découvrons petit à petit un plateau de cinéma où est filmé le faux atterrissage. Le mouvement d'appareil se conclut par une vue du studio en plan large où nous apercevons les projecteurs et les réflecteurs. Alors que le discours se finit, nous observons deux hommes, probablement des agents de la CIA qui semblent surveiller le bon déroulement des opérations. Par le biais de ce mouvement de caméra, Hyams a parfaitement résumé la possible mystification du visuel. À ce titre, on notera que l’indice qui convainc le journaliste d’assister à une supercherie n'est pas lié à ce qu'il voit, mais à un élément sonore lors d’un faux appel entre les hommes soi-disant partis dans l’espace, et leurs compagnes.

Certains critiques ont reproché à Capricorn One d’être trop orienté action dans sa deuxième partie. Pour ma part, Hyams a réussi l'alchimie parfaite entre le divertissement et le film à thèse. Il retrouve ici l’efficacité de l'âge d'or du cinéma classique où des réalisateurs comme Hawks ou Ford nous proposaient un spectacle haletant tout en nous offrant un discours élaboré. Capricorn One est tout simplement un classique du cinéma des années 70 à voir et à revoir.

Mad Will