Il y a des deuxièmes opus attendus, car ils complètent une saga comme pour les Retour vers le futur et d’autres, conspués parfois de façon injuste, en raison de leur filiation avec un classique du cinéma comme 2010 qui poursuivait le récit spatial et métaphysique de Kubrick. Je souhaitais aujourd’hui mettre en lumière un excellent thriller Psychose 2 qui ne fut pas forcement bien reçu par la critique qui ne supportait pas qu’Universal ait fait une suite au chef-d’œuvre d’Hitchcock. Ce deuxième opus des aventures de Norman Bates met en scène notre psychopathe préféré  22 ans après une mémorable scène de douche dont le second volet reprend les images en introduction comme pour mieux l’évacuer et s'en détacher. Assez habilement, le long-métrage va opérer la transition entre les images du film d’Hitchcock grâce à un passage du noir et blanc à la couleur sur un plan de la demeure des Bates. Nous découvrons ensuite un Norman vieilli dans un tribunal qui est déclaré guéri et obtient alors une remise de peine qui l’autorise à sortir après 22 ans passés en institution psychiatrique. C’est à ce moment que surgit Lila Loomis (la soeur de l’amant de Marion dans le premier film) qui demande son maintien en prison au regard des horreurs qu’il a perpétrées. Peine perdue, Bates est libre et revient à son hôtel. Il est alors engagé dans un snack où il rencontrera Mary, une fille qui semble au premier abord un peu paumée et pour laquelle il se prend d’affection. Mais très vite, le passé ressurgit dans sa vie sous la forme d’étranges coups de téléphone. Et si Mme Bates était encore vivante ? Et si Norman était redevenu fou ?

Mais avant de parler du film, il me semble indispensable de se pencher sur les auteurs de cette suite originale qui ne s’inspire nullement des ouvrages de Robert Bloch, l’auteur du roman dont le premier Pyschose était l’adaptation.
On retrouve à la réalisation Richard Franklin (Richard Bruce quand il fit quelques grivoiseries au début de sa carrière) qui s’est fait connaître à l’international avec l’excellent thriller surnaturel Patrick qui a obtenu tout de même le Grand prix au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1979. Il signa également Link, un long-métrage culte du cinéma d’horreur avec Terence Stamp en 1986. Pas forcement le plus grand réalisateur du monde, mais tout de même un solide artisan dont la composition des plans dans Psychose 2   est remarquable. Quant au scénariste c’est le sympathique et trop sous-estimé Tom Holland, qui signa en tant que réalisateur les réjouissants Vampire vous avez dit vampire ? et Jeu d’enfant. Deux films que nous avons chroniqués et défendus à CCSF.
De trop nombreux critiques détestent le film sans l’avoir vu, car ils déconsidèrent les artisans qui sont à l’oeuvre. Le résultat leur donne tort ! La qualité de la photographie et la rigueur des plans, l’inventivité du scénario en matière de rebondissement et sa rigueur pour composer des personnages vraisemblables d’un point de vue psychologique font de ce film une oeuvre originale qui prend des distances avec son illustre modèle en ne le contredisant jamais.

Le film s’appuie sur un scénario solide qui réussit à créer un suspens alors que l’on pensait tout connaître de l’histoire dès le premier volet. Plutôt que d’imiter, Holland choisit délibérément de centrer son scénario sur Bates afin de nous faire partager ses tourments. Le film devient alors une variation sur L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Stevenson où le mal et le bien finissent par se confondre. Si Hitchock en bon puritain nous dressait un portrait un peu facile et stéréotypé du tueur sadique maltraité par sa maman dans ses jeunes années, le Norman de cette suite est plus ambivalent grâce à une humanisation réussie du personnage et l’interprétation hors-norme de Perkins. Ce Psychose 2 s’avère beaucoup moins manichéen que l’original, car il dresse le portrait d’une maladie mentale qui altère la personnalité d’un être qui est aussi une « victime «  de sa folie. Même si Bates est au centre du récit, le film prend le temps de soigner les personnages secondaires. Ils sont tous très bien interprétés (On retrouve Vera Miles du premier psychose dans le rôle de Loomis) et jouent un rôle essentiel dans une histoire où tout le monde ment et manipule l’autre. Si Holland dresse un portrait peu reluisant de l’humanité, il réussit dans le même temps à proposer une variation assez touchante de La belle et la bête à travers la relation entre la jeune Mary et Bates. Leur histoire est finement écrite et montre comment l’homme est aussi doué pour la destruction que la compassion.  En dehors d’un retournement final un peu facile qu’on imagine téléguidé par les studios, le scénario est un modèle du genre dont le la construction du second acte (où l’intrigue se révèle) et mériterait d’être étudié en cours d’écriture. Réussir un scénarii qui réinvente un classique du cinéma avec de nombreux retournements est une gageure qu’Holland réussit plutôt brillamment.

Le film est également une réussite formelle grâce à la mise en scène d’une grande rigueur de Richard Franklin. Le réalisateur a bien compris que les réalisations de Sir Alfred d’Hitchcock s’articulaient autour d’images signifiantes. Chaque plan correspond à une idée que le réalisateur doit communiquer aux spectateurs. Psychose 2 est donc servie par une réalisation rigoureuse où chaque cadre est soigné et qui joue beaucoup sur la grammaire du cinéma pour illustrer la psychologie des personnages comme avec ces vues en plongée qui montrent un Bates accablé par la folie.  Le film est à ce titre très différent du cinéma d’horreur actuel où le but est de faire sursauter le spectateur.  L’effet prévaut malheureusement trop souvent sur le scénario aujourd’hui. Franklin n’expérimente pas autant que le grand Hitch sur la scène de la douche, mais sa réalisation n’est jamais ridicule face à son glorieux modèle. Enfin, j’évoquerai la musique de Jerry Goldsmith qui arrive à imposer son style par rapport à la partition assez mémorable de Bernard Herrmann. Une musique plus intime à l’image d‘un film qui traite avant tout de la perte des repères psychologiques d’un homme devenu fou dans une société malade.

Vous l’avez compris, ce Psychose 2 est un film beaucoup plus réussi que sa réputation le laisse entendre. Son seul crime, mais pas des moindre fût d’être la suite d’un chef-d’oeuvre du cinéma. Un film étonnant que je vous invite à découvrir et qui m’avait marqué lors de ma première vision, alors que j’étais convaincu que c’était impossible de faire une suite réussie à Psychose !

Mad Will