« Certaines étoiles mettent plus de temps que d’autre à apparaître. Le paradoxe est le suivant : plus il fait nuit, plus ces secrets deviennent visibles. Pour finir, ils se déploient dans toute leur splendeur ; et ce sont ces choses même que nous dissimulons, ces choses dont nous avons le plus honte, dont nous nous servons pour nous guider. »

Galilée – Clive Barker  Éditions BRAGELONNE

Midnight Meat Train, c’est la rencontre plutôt inattendue entre Clive Barker le maître d’une épouvante sociale et organique et le réalisateur japonais survolté d’Azumi ou de Versus, des films déjantés d’exploitation ou les ballets chorégraphiques se mêlent à la franche rigolade.

Il est étonnant de les voir réunis sur  un long-métrage américain surtout quand il adapte l’une des nouvelles les plus sanglantes du premier volume de Livres de sang de Barker.

Au final, Midnight Meat Train est tout bonnement un bon film d’épouvante. Le résultat même s’il n’atteint pas la réussite de Candyman qui reste la référence en termes d’adaptations de l’écrivain britannique, est digne du cinéma horrifique des années 70 qui n’hésite pas à mettre mal à l’aise son spectateur pour l’interroger sur la société.

Mais que raconte le film :

Leon Kauffman est un photographe qui peine à vivre de son art. Lorsqu’on lui propose une exposition au sein d’une galerie reconnue il est prêt à tout pour fournir des clichés de qualité. Il décide alors d’arpenter les rues afin de capturer un autre visage de New-York. Ces pérégrinations nocturnes vont le confronter à un terrible boucher qui sévit dans le dernier métro…

Kitamura à la différence de nombreux réalisateurs au style visuel mécanique et sans personnalité, nous offre des plans de toute beauté grâce à une photographie bleutée très travaillée et un sens du cadre digne d’un John Carpenter. Ces choix de mise en scène sont renforcés par le métier du héros : photographe d’art. La lumière froide et glaçante des grands centres urbains est ainsi parfaitement rendue, la compostions très géométrique de ces plans avec beaucoup de surcadrages nous fait ressentir la solitude vécue par le personnage dans un univers déshumanisé.  Pour autant, on retrouve dans les scènes de meurtres, le découpage des films japonais de Kitamura. Durant ces instants, le cinéaste évolue vers une mise en scène où l’espace et temps se délient. Usant de mouvements de caméra opératiques, passant du ralenti à une succession de plans cuts, le cinéaste nous donne à voir des corps décharnés, des énucléations et autres joyeusetés. Au travers de la mise en scène, le réalisateur japonais adopte le regard du photographe dont l’univers esthétisant se colore au fur à mesure de sang.

À ce titre on peut regretter l’emploi d’un sang en image de synthèse sur certaines scènes qui amenuise l’effet gore. Peut-être une concession faite aux censeurs qui auraient demandé selon la rumeur de nombreuses coupes au film.

Le constat de Clive Barker sur notre monde est sans appel, l’homme est un monstre sanguinaire qui dissimule sa folie et sa violence derrière les oripeaux de la civilisation. La citation en ouverture de cette critique est à ce titre révélatrice.

Midnight Meat Train est une bonne illustration de cette vision assez sombre de notre monde avec une galerie de personnages pas vraiment héroïques. À ce titre, Léon, le protagoniste principal découvre à travers sa traque du tueur, ses propres zones d’ombres.

Sans humour gênant, sans ironie post Scream, sans suivre les modes dominantes, Kitamura renoue avec le cinéma d’horreur à l’ancienne et conclut son film sur une note dépressive plutôt salvatrice dans un paysage cinématographique de plus en plus conformiste.

Le scénario de Jeff Buhler est le maillon faible du film, allongeant parfois artificiellement l’intrigue de la nouvelle, usant de raccourcis faciles comme avec Maya la petite amie du héros qui change trop vite d’avis. Mais n’ayez crainte, le script souffre simplement d’être juste bon alors que la mise en scène de Kitamura et la richesse de l’univers de Barker auraient mérité tellement plus.

Film ou l’horreur se mêle au quotidien, parabole de la déshumanisation de nos grandes ville, satire sanglante du milieu de l’art et de son rapport à la violence, Midnight Meat Train est tout simplement un excellent film de genre.

Mad Will