Vilnius, fin des années soixante. La petite Inga danse devant ses camarades qui lui envoient leurs éloges. Pour eux, « La Belle » c’est ce drôle de jeu auquel Inga excelle, tant elle se plaît à ensorceler ses amis de ses gesticulations gracieuses. Si tous ses copains sont sous le charme, ce n’est pas le cas du dernier arrivé dans le quartier, un petit garçon excédé par les manières d’Inga à qui il ne se prive pas de lui dire qu’il la trouve laide. En effet, il est spécifié dans le scénario que l’enfant est ingrat. Cela montre que les canons de beauté ont bien changé, car pour un spectateur moderne la petite frimeuse a tout d’un ange : visage rond, tâches de rousseurs, grands yeux bleus et cheveux blonds. Alors le monde de la petite reine s’effondre : elle doit revoir toutes ses considérations et apprendre à grandir.

Comme François Truffaut avec ses 400 Coups dix ans auparavant, le cinéaste lituanien Arūnas Žebriūnas filme le monde à travers les yeux des enfants. Ainsi, le film est constitué d’expériences et d’apprentissages : Inga découvre le coiffeur des dames, Inga contemple un tableau, Inga fait face à la solitude d’un chien qui attend son maître comme sa propre mère attend le retour d’un mari… L’attente est au centre du récit. La passivité des adultes contrebalance l’hyperactivité des enfants et plonge le film dans une sorte de torpeur agréable. L’agitation dans les cours des immeubles de Vilnius pendant la trêve estivale a quelque chose de paisible.

Pourtant, La Belle cache une dimension politique, celle d’un pays sous l’occupation soviétique. L’omniprésente attente prend alors une toute nouvelle signification, celle d’un peuple en quête de liberté.

La Belle, tourné en 1969 était encore inédit sur les écrans français. Très court (1h06) mais enivrant, le film est comme une comptine qu’on ne se lasse jamais de réentendre.  

S.D.