Quand on vous envoie voir les Tuche 3 et que vous n’avez jamais suivi cette saga comique française au succès fracassant, vous n’êtes pas forcément zen au moment où les lumières s’éteignent dans la salle du cinéma.

Puis le logo TF1 s’inscrit sur l’écran, votre pulsation cardiaque augmente de façon dangereuse, votre main se pose contre votre poitrine, vous vous attendez à n’importe quel moment à passer au trépas. Vous jetez des coups d’œil furtifs, imaginant un improbable plan d’évasion. Vous vous imaginez alors en héros de Prison Break, vous faisant tatouer sur le dos le plan du multiplexe. Vous êtes d’autant plus inquiet qu’Olivier Baroux en réalisateur, ça ne vous envoie pas du rêve. L’époque du duo Kad et Olivier est maintenant passée, et le réalisateur n’a pas signé que des chefs-d’œuvre ces dernières années : Safari, l’italien….

Les premières notes se succèdent, votre mâchoire se serre alors que la voix d’Isabelle Nanty résonne à votre oreille.  Vous vous rappelez à cet instant, ces midis où l’œil hagard vous étiez tombé sur le journal de Pernaut. Vous êtes d’autant plus inquiet que vous avez vu sa trogne dans la bande-annonce du film. Vous craignez alors 90 minutes de bonne conscience en mode penseur de droite façon Michel Sardou (nommé aussi le chanteur aux 3 grammes, ce qui est à peu près la quantité d’alcool que l’on doit ingérer pour chanter le Connemara).

Puis le film commence. Et alors, me direz-vous ?

Les Tuche 3 possèdent de nombreux défauts, mais la critique récurrente apportée par certains médias qui considèrent le film comme populiste, dénigrant les intellectuels et la classe dirigeante me semble hors de propos. En effet, tous les milieux y sont moqués et le personnage qui trouve la clef pour sauver l’économie du pays est bien l’intellectuel de la famille Tuche.  Le film lance plutôt un appel à la solidarité symbolisé par l’amour entre tous les différents membres de la famille

De même, il faut bien se l’avouer, les personnages sont sympathiques sans pour autant tomber dans un politiquement correct pesant comme chez Dany Boon. Jean-Paul Rouve et Nanty ont un réel talent comique et arrivent à faire passer des dialogues assez inégaux. Rouve en clown auguste made in Pas de Calais, joue ainsi admirablement de ses mimiques et crée un vrai personnage de cinéma, ne cherchant à pas singer les glorieux anciens en mode Bourvil ou De Funès mal digérés.

Si beaucoup de comédies françaises jouent sur le mode les uns contre les autres comme le soulignait admirablement Thoret sur sa conférence sur la comédie française que je vous invite à découvrir, Les Tuche 3 milite pour un monde où chacun est écouté, invitant au vivre ensemble et en ne résumant jamais ses personnages à son seul archétype.

Il n’y a pas les riches contre les pauvres comme dans le cinéma de Chatillez, les urbains contre les citadins, les nordistes contre le sud. Le film n’est jamais moqueur au détriment de ses héros. Le seul personnage vraiment négatif est un intellectuel parvenu en mode BHL. Et ce n’est pas son intellectualisme qui est moqué comme l’on trop vite écrit certain, il est juste humainement détestable.

Le film est bon enfant, et délivre une jolie anarchie qui s’inscrit même dans une tradition française. Ce n’est pas La vie est à nous de Renoir, mais en ces temps de libéralisme en marche, où les médias sont remplis d‘analystes financiers du Couac 40 (le père Tuche n’arrive jamais à le prononcer normalement) qui condamnent les chômeurs, et tous ceux qui n’entrent pas dans le moule de la croissance, cette ode à une vie tranquille, au bonheur et à la fainéantise est réellement à contre-courant et devient salutaire.

Les limites de cette comédie sont plutôt dans l’écriture. Même si le film contient quelques très bonnes idées comiques tels le borgne photographe ou les piliers de bistrot possibles ministrables, Les Tuche 3 souffre de baisses de rythme trop fréquentes.

En effet, le film fonctionne trop souvent par séquence en n’arrivant jamais à créer une histoire et des enjeux. De ce fait, Les Tuche 3 dépend de l’efficacité intrinsèque de chaque scène qui sont malheureusement inégales dans le métrage.  Il aurait fallu développer les personnages et les enjeux pour que le film fonctionne dans son ensemble et puisse capter l’attention de son spectateur.

Enfin, la mise en scène de Baroux est beaucoup trop accessoire, elle ne propose pas véritablement de gags visuels. Simplement illustrative, elle ne se met jamais au service de ces acteurs et de leurs potentiels comiques. On est loin d’un Oury ou bien même d’un Jean Girault (Les gendarmes…) dont la mise en scène n’était pas complexe, mais savait admirablement capter le jeu d’un Louis de Funès.

II aurait fallu plus de folie, de gags, d’absurdité comme savait si bien le faire Olivier Baroux à l’époque de son duo avec Kad sur Comédie. On sent parfois que la machine Tuche se limite trop, n’ose pas aller assez loin, que des idées ne sont qu’effleurées, on imagine aussi que la production du film a dû phagocyter les gags lorsque l’on voit le nombre record de scénaristes crédités.

La lumière rallumée, Les Tuche  3 ne s’avère pas l’effroyable film annoncé par certains. Cette « petite » comédie est assez sympathique, mais jamais révolutionnaire pour autant.

Le poids des investisseurs, notamment les télévisions, pour créer un film pensé pour la petite lucarne et les annonceurs se fait souvent sentir. On peut néanmoins apprécier l’humour bon enfant, et surtout l’amour pour les personnages qui place ce film largement au-dessus de nombreuses autres comédies plus fracturantes socialement et résolument conservatrices mettant en scène le Jacquouille préféré des Français.

Mad Will