Libre adaptation d’un roman de Malcolm Stewart et film de studio, Incidents de parcours n’en est pas moins une œuvre très personnelle pour Romero. Nous retrouvons dans ce film beaucoup de thèmes et d’interrogations qui parcourent son oeuvre, au premier plan les rapports de l’homme à son animalité, la part de l’instinct et de la raison, l’origine de la conscience et sa formation, mais aussi les rapports de domination dans le couple. Passé complètement inaperçu lors de sa sortie en 1988, Monkey Shines sera un nouvel échec commercial pour le réalisateur qui ne retrouvera le succès auprès du public qu’en 2005 avec le quatrième volet de sa tétralogie des zombis Land of the dead .

Mais que raconte le film ?

Allan, un jeune homme sportif devient paraplégique à la suite d’un accident. Un de ses amis, Geoffrey, docteur en physiologie animale lui offre Ella, un singe femelle capucin dressée pour lui servir d’aide. Ce singe a ceci de particulier qu’il a subi un traitement à base d’injection de cerveau humain pour booster ses capacités intellectuelles. Ella se révèle donc extrêmement efficace et s’attache très vite à son nouveau maître. Mais cet attachement prend de telles proportions qu’Ella ne supporte plus toute personne s’approchant d’Allan.

L’intérêt du film réside avant tout dans le suspens qui le parcourt et dans la présentation d’une atmosphère qui se dégrade avec le temps. Il n’y a pas de message de critique sociale, rien de métaphorique, mais il faut voir l’intrigue plutôt sous un aspect psychologique voire psychanalytique : comment s’instaure dans un couple des rapports dominants/dominés ? Comment le surmoi perd du terrain face à un inconscient rempli de pulsions meurtrières ? En effet le petit singe, grâce à une communication télépathique avec Allan, non seulement obéit aux ordres conscients de son maitre, mais aussi accomplit ce qui est enfoui dans son inconscient : le désir de prendre sa revanche contre la frustration qui l’habite depuis son accident.

Romero n’use jamais du gore, au contraire de ses films de zombis. Il adopte une certaine retenue dans l’horreur ce qui paradoxalement la renforce. Par exemple lors de l’accident, on ne voit pas le corps du personnage, mais juste ce qu’il portait se briser en tombant sur le sol. Il use du même procédé pour nous dévoiler la véritable nature de ses personnages, Romero nous montre ainsi comment ils sont perçus par les regards extérieurs et ensuite comment ils sont au fond d'eux-mêmes. Prenons l'exemple du médecin qui semble compétant aux yeux de tous, mais qui au final ne s'inéresse pas vraiment à notre héros car il désire la petite amie de celui-ci.

D’un point de vue mise en scène, Romero clive d’abord nettement le monde d’Allan, paralysé, dont la vision nous est montrée par des plans fixes et celui du capucin, dont l’agitation et la vivacité sont traduits par des mouvements de caméra rapides qui singent le regard de l’animal. Mais petit à petit il y a une contamination du monde d’Allan par celui d'Ella qui finira par prendre le dessus. Les plans rapprochés sur Allan qui au départ suscitent l’empathie du spectateur finissent par l’isoler, le laissant à la merci du singe, par l’intermédiaire duquel Allan peut échapper à sa paralysie. Le montage devient alors de plus en plus rapide jusqu’au paroxysme final.
On pourra regretter une fin imposée par le studio Orion, financier du film, à la merci duquel Romero se trouvait lors du tournage et qui est un peu « light » au vu des enjeux présentés par le réalisateur. Un excellent film que nous conseillons vivement aux admirateurs de Romero et bien au-delà.