Dans la famille Cutler, le clan compte plus que tout. Dépourvu de carte de sécurité sociale comme d’instruction, chaque membre y vit en écoutant religieusement soir après soir le pater familias raconter la mythologie du clan : la Terre est plate, Jésus Christ est un modèle, et l’école n’a d’autre fonction que de contrôler les esprits. Chad (Michael Fassbender), qui n’est jamais allé à l’école, accepte la religion paternelle et commet les larcins qui permettent au clan de survivre. Néanmoins, pour ses enfants, il rêve d’une vie différente. Arrivera-t-il à s’émanciper du clan pour la leur offrir ?

Immersion réaliste dans la vie d’une exceptionnelle famille de hors-la-loi sévissant dans les très riches et pittoresques Cotswolds du sud-ouest de l’Angleterre, A ceux qui nous ont offensés se situe esthétiquement quelque part entre Le temps des gitans (Emir Kusturica)et La merditude des choses (Felix van Groeningen). Captant sans parti pris un mode de vie en voie de disparition, Adam Smith montre le racisme spécifique qui touche le monde gitan et qui multiplie les obstacles à franchir pour ses membres qui voudraient en sortir pour se sédentariser.

Plus particulièrement centré sur les trois générations d’hommes, A ceux qui nous ont offensés interroge la difficulté plus universelle que peut rencontrer chaque être humain à s’émanciper de la culture familiale qui lui a été inculquée pour rompre la spirale de l’atavisme. La confrontation entre un père pachydermique et un fils qui veut être digne de lui, mais en rupture, est magistralement incarnée par deux bêtes du cinéma britannique. Brendan Gleesonlivre livre une juste partition de beauf gouailleur, mi-attachant mi-révulsant, face à Michael Fassbender dont l’alliance du physique tout en musculature et de la gueule d’ange sied parfaitement au rôle de truand en quête de repentance.

Tous ses éléments concourent à la force d’un film dur et sombre, brossant le portrait émouvant d’une famille, et d’un homme déchiré entre deux idéaux.

Florine Lebris