Après le lénifiant Les amants du Texas et un détour chez Disney avec le remake de Peter et Elliott le dragon, David Lowery revient avec un film incroyable : A Ghost Story.

Le génie et le ridicule partagent une frontière particulièrement fine. L’histoire du cinéma est d’ailleurs jalonnée de films clivants à la structure ou au propos tangent qui flirtent avec cette ligne rouge. Si récemment un Mother ! a particulièrement cristallisé cette question chez les spectateurs - professionnels ou non, gageons que A Ghost Story a lui aussi le potentiel pour alimenter de futurs débats enflammés.

Le pitch est minimal : un accident. Un mort. Un fantôme.

Délaissant le terrain horrifique et ses sentiers balisés (jump scare, mouvements brusques de caméra, lents travellings angoissants) David Lowery prend à rebours le genre en nous proposant d’adopter le point de vue du spectre. Cette histoire de fantôme au sens propre nous plonge alors dans une expérience hors du temps, un état de repos et de passivité, une mise en abyme géniale où nous devenons spectateurs d’un spectateur. Loin de la nonne démoniaque et acharnée d’un James Wan, le revenant de A Ghost Story n’est pas particulièrement enclin à semer l’épouvante. La vengeance ne l’intéresse pas. Il erre et contemple la vie qui suit irrémédiablement son cours. En filmant l’inertie, David Lowery saisit paradoxalement le cours de l’existence.

Réhabilitant l’imagerie du spectre en drap blanc, David Lowery explore de manière très simple la question du deuil dans une première partie, avant de faire varier la trajectoire vers des sommets plus universels et métaphysiques sur la relativité du temps et l’impermanence des choses. Cette histoire de fantôme devient celle des fantômes et donc par miroir, celles des vivants. Porté par une mise en scène au rythme plutôt lent, souvent en plans fixes, avec beaucoup de poésie et de belles fulgurances visuelles, le film touche au but : montrer les morts pour raconter les vivants.

Malgré quelques tics auteurisants hipsters assez rédhibitoires comme ce format 4:3 retravaillé façon polaroïd, une scène de tarte beaucoup trop longue ou un monologue plutôt lourd lors d’une soirée, l’ensemble reste d’une force et d’une beauté hiératique sidérantes.

Wade