À Elias, en Thessalie, dans une vaste plaine entourée de montagnes, deux cousins, Christos et Alexandros cultivent des tomates biologiques. Celles-ci, d’après leurs dire, proviennent directement des semences que Christophe Colomb rapporta d’Amérique il y a plus de cinq cents ans. Ils emploient pour cette culture Katina, Agathi, Niki, Stravoula, Olga, des femmes pour la plupart âgées (la doyenne a quatre-vingt-deux ans) du village de trente-trois âmes. Les vieilles se rappellent avec nostalgie du temps où l’école, fermée depuis trente ans, regorgeait d’enfants, tout en pleurant sur leurs deux cafés disparus.

L’entreprise, à l’instar de ses dirigeants, est dynamique. Ils inventent des recettes, se démènent pour améliorer et faire connaître leurs produits, et vendent leurs sauces cuisinées et autres plats préparés à base de tomates dans le monde entier. Principalement en Europe, mais aussi en Amérique et jusqu’à Hong Kong. Et l’exploitation ne se réduit pas aux champs de tomates : en plus de l’élevage de quelques animaux, poules et moutons, elle contient de nombreuses ruches, dont le miel est exporté lui aussi dans de lointaines contrées.

Pourtant tous les protagonistes ont bien conscience de n’être qu’une goutte dans l’océan. Il faut en effet sans cesse s’adapter au monde moderne et continuer à inventer et évoluer pour espérer être toujours vendu de par le monde. Il doivent ainsi se plier aux contraintes extérieures, évaluer le surcoût lié à une agriculture artisanale, à la fabrication des produits à la main et à petite échelle, alors que l’agriculture moderne « n’a plus besoin d’agriculteurs mais d’opérateurs de machines ».

Ils gardent cependant l’espoir de pouvoir changer le monde sans révolution violente, par la simple force de leurs convictions, à l’instar de ces vieilles dames qui comparent leur statut actuel avec celui qu’elles avaient dans leur jeunesse : celui de femmes dont la seule voie possible était l’obéissance à leur mari. Le monde change par certains côtés en moins bien, mais certaines de ses évolutions peuvent cependant améliorer l’existence.  Le tout est d’essayer, de tenter, d’expérimenter, comme le font Christos et Alexandros quand ils se divisent sur la musique à faire écouter à leurs tomates. « Les tomates sont meilleures quand elles écoutent de la musique classique » dit l’un, mais « la récolte est plus abondante quand elles écoutent de la musique grecque traditionnelle », rétorque l’autre. Tout un enjeu de civilisation.

Un film drôle qui pose un regard tendre sur ceux qui font le sel de la vie.

Laurent Schérer