Nous vous parlions la semaine dernière de Tonnerre de feu réalisé par John Badham. Qui dit John Badham dit Wargames(et La fièvre du samedi soir aussi c’est vrai), qui dit Wargames dit Matthew Broderick, et qui dit Broderick dit Ferris Bueller, soit un monument du teen movie sorti en 1986.

Bref tout ça pour vous dire que ce soir sur Netflix on regarde : La folle journée de Ferris Bueller

Ferris Bueller est un ado populaire et charismatique mais pas particulièrement assidu en classe. Pour être en accord avec sa devise, « la vie bouge très vite, si tu t'arrêtes pas de temps en temps, elle te file entre les doigts », il convainc Sloane sa petite amie et Cameron son meilleur copain hypocondriaque et dépressif de sécher une journée de classe pour aller à New York.​​​​​​​

Ferris Bueller’s day off est mis en scène par John Hughes, célèbre pour ses comédies familiales et son travail sur les teen movies, que ce soit en tant que réalisateur (16 bougies pour Sam, The Breakfast ClubUne créature de rêveetc) ou en tant que scénariste ou producteur (Maman j’ai raté l’avion, Beethoven, Denis la Malice etc). Et s’il n’en a pas inventé le genre puisque La fureur de vivre, American Grafiti ou American college sont déjà passés par là, il a grandement contribué à le développer et à le faire décoller, inscrivant à jamais dans l’imaginaire collectif les campus universitaires américains et leurs règles. Nombreuses sont les références à son travail dans la pop culture mais aussi chez certains réalisateurs qui citent ouvertement sa filmographie comme une influence. John Hughes est incontestablement une des figures tutélaires du genre.

La folle journée de Ferris Bueller est d’abord un film à la forme géniale qui condense en une unité de temps l’intrigue, comme le faisait d’ailleurs avant lui The Breakfast Club en prenant pour cadre une journée de colle. C’est l’occasion d’emmener le spectateur en vadrouille avec Ferris Bueller, lycéen très charismatique, sa petite amie et son meilleur copain. La structure narrative du film permet à Bueller d’offrir une leçon de vie, et l’adolescent se transforme en quasi professeur, une idée renforcée par la mise en scène à travers les apartés face caméra que nous livre Bueller. Abattre le 4e mur décuple la force du film et participe à sa dynamique. Car si le charme des teen movies réside souvent dans leur aspect initiatique universel, puisque cette période est un état de transition vers la vie d’adulte que globalement tout le monde connaît, le discours face caméra (qui deviendra une marque de fabrique notamment chez d’autres films ou séries du genre comme Parker Lewis ne perd jamais) renforce l’implication du spectateur. L’école buissonnière étant par défaut le fantasme de l’élève que nous avons tous été, on s’identifie tout de suite à cette envie d’envoyer valser le cadre scolaire pour goûter un peu à cette vie qui semble s’échapper par la fenêtre. Bref il s’agit de reprendre du temps pour soi, exactement le programme du film dont le titre anglais rejoint mieux cette idée : Ferris Bueller’s day off.

Mais au-delà de l’humour inhérent à ce genre de film, John Hughes livre surtout une réflexion sur une période charnière de notre vie en patinant La folle journée de Ferris Bueller de récit initiatique. Si Bueller est effectivement en tant que personnage principal celui qui accapare la mise en scène (la séquence cathartique de la parade est édifiante), il semble plutôt que c’est son opposition à Cameron qui résonne avec le spectateur. Si à première vue le film apparaît moins frappant, émotionnellement parlant, qu’un The Breakfast Club qui arpente le terrain d’un certain déterminisme, La folle journée de Ferris Bueller dit quand même quelque chose sur la nécessité de faire ses choix et d’avancer. Assez loin d’une certaine catégorie de teen movies comme Porkys et les American Pie qui joue la corde des hormones en ébullition, les films de Hughes décrivent en filigrane une certaine angoisse de grandir. Et dans La folle journée de Ferris Bueller cela passe par la manière dont Cameron et Ferris communiquent. Au cinéma les personnages incarnent des idées, Bueller magnifiquement composé par Matthew Broderick est très charismatique (mais sans non plus être la caricature du quaterback hyper populaire et bien cliché) et quasiment omniscient (voir la scène post-générique où il interpelle le spectateur s’étonnant qu’il soit toujours là) mais sa propension à réussir tout ce qu’il entreprend pourrait le rendre insupportable si son comportement ne servait pas de révélateur à Cameron, embourbé dans ses névroses et qui a du mal à prendre sa vie en main.

La folle journée de Ferris Bueller est comme souvent chez Hughes, affaire de personnages bien écrits, touchants et magnifiquement incarnés, capables de faire résonner presqu’à notre insu quelque chose de l’adolescence. Et c’est l’autre point fort du film : son casting. Matthew Broderick bien sûr mais aussi Mia Sara (Sloane) et Alan Ruck (Cameron) forment un trio parfait. De son côté Jeffrey Jones joue à merveille un proviseur acariâtre obnubilé par son envie de punir Ferris même si on lui préfère son rôle de Docteur Jenning dans Howard The Duck qui sortira la même année. À l’arrivée on obtient une comédie bien ancrée dans son époque, fun et très agréable à regarder. La réalisation est impeccable, le montage dynamique et l’ensemble atteint logiquement le statut de culte et demeure encore aujourd’hui une belle référence en la matière. Avec 70 millions de dollars engrangés pour un budget de presque 6 millions, le succès public et critique est total et John Hughes nous a offert l’un des plus beaux personnages de cinéma.