Après le majestueux Au revoir là-haut pour lequel il a remporté cinq César, Albert Dupontel revient avec un film fort et émouvant, Adieu les cons, une tragédie burlesque au titre évocateur.

Ce film est avant tout l’histoire d’une rencontre, celle de Suze Trappet (Virginie Efira), qui voudrait vivre mais ne peut plus, et de JB (Albert Dupontel), qui peut vivre mais ne veut plus. Elle est malade et n’a plus beaucoup de temps pour retrouver son enfant qu’elle a été forcée d’abandonner lorsqu’elle avait 15 ans. Lui est fonctionnaire informaticien en plein burn out et rate son suicide.

Maladie, suicide, mais aussi solitude, défaillances administratives et violences du monde du travail, le film explore des thèmes graves avec un regard juste et nuancé, dans un équilibre parfait entre la comédie et le drame. Ce mélange des genres ne peut se faire sans l’interprétation énergique et inventive des acteurs.

Virginie Efira, qui tourne pour la première fois avec Dupontel, incarne une femme sensible au cruel manque d’agilité sociale, dont la détresse est émouvante et la détermination captivante. On retrouve aussi Nicolas Marié, habitué des films du réalisateur, qui joue ici le rôle d’un aveugle rêveur mais lucide, pathétique et drôle, à la grande fantaisie, et qui affirme son amour fou pour la vie. L’émotion oscille sans cesse entre la joie et la tristesse, pour finalement rendre compte de la difficulté de s’aimer dans un monde anxiogène et répressif. Si Albert Dupontel a l’habitude de créer des êtres qui sont souvent des marginaux, il imagine ici des personnages totalement intégrés mais qui vont soudainement se retrouver en marge de la société du fait des déviances des élites qui les gouvernent.

Paradoxalement, la peinture du monde froid de l’administration indifférente se fait avec des couleurs chaudes et saturées, rappelant parfois l’esthétique de Jean-Pierre Jeunet. L’image accompagne la narration et renforce sa poésie. Le décor urbain est magnifié, notamment grâce à une attention particulière portée aux effets spéciaux, qui viennent créer une ville moderne lumineuse et presque féérique, faisant basculer pour un temps le film vers le conte. Mais la réalité est toujours là, douloureuse et amère.

La force d’Adieu les cons réside dans cette vision à la fois cruelle et poétique du monde. Il rappelle que la grandeur ne peut exister sans tristesse, et sait nous raconter une histoire triste tout en nous distrayant.

C’est finalement un film qui parle de la mort, mais avec beaucoup de vie, de rires et de larmes.

Camille Villemin