Réalisé par les cinéastes macédoniens Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov, le documentaire  Honeyland dessine le portrait hors du commun, touchant et émouvant, de Hatidze Muratova, une femme apicultrice habitant dans un village déserté de la Macédoine du Nord.

Hatidze est patiente, avec Nazife, sa mère grabataire qu’elle soigne avec dévouement, mais également avec la nature. Ne se faisant jamais piquer par ses abeilles, elle sait attendre le bon moment pour récolter le miel dont elle ne prélèvera que la moitié des rayons afin de laisser aux insectes de quoi se nourrir pour  passer l’hiver et continuer à produire.

Les réalisateurs ont eux aussi usé de patience en étalant leur tournage sur quatre années. Au fil des saisons,  le documentaire rend compte d’une vie en adéquation avec la nature. À ce titre, les images du prologue captées dans les superbes paysages de la montagne macédonienne sont de toute beauté. On y voit ainsi Hatidze marcher sur une étroite corniche à la rencontre d’une ruche sauvage dont elle prélèvera quelques rayons de miel. D’autres, filmées dans la petite maison où vivent les deux femmes, témoignent d’un savoir-faire technique indéniable en raison d’un éclairage inexistant en dehors d’une simple bougie.

La vie d’Hatidze aurait pu continuer ainsi, entre la récolte parcimonieuse et la vente de son miel sur les marchés de Skopje, où elle profite de sa visite à la capitale pour faire quelques courses. Mais le fragile équilibre sera rompu par l’arrivée de nouveaux voisins qui ne raisonnent pas comme les deux femmes. Accompagnée par  un troupeau de bovins, cette famille nombreuse à de multiples bouches à nourrir et surtout a besoin d’argent. La production raisonnée du miel deviendra alors sous leurs mains quasi industrielle. Pourtant, ici, point de manichéisme ni de mélodrame, car Hatidze reste fidèle à ses pratiques, accueille bien ces voisins remuants, tissant d’ailleurs avec un des garçons un lien privilégié, tout en expliquant inlassablement aux parents les conditions d’une bonne réussite de l’élevage des abeilles.

Cette fable sur la nécessaire préservation du fragile équilibre de la nature, est aussi un récit sur l’accueil et le savoir-vivre entre humains. Un documentaire à l’image de sa protagoniste principale qui est aussi soucieuse du bien-être des personnes qui l’entourent que de ses abeilles. Le sourire rayonnant et les traits burinés d’Hatidze berceront longtemps tous ceux qui auront eu la chance de visionner ce magnifique film, récompensé de trois prix au festival Sundance et deux fois nominé aux oscars.

Laurent Schérer