A Londres, deux couples qui attendent chacun un enfant se partagent les deux étages d’une maison. Se rapprochant l’un de l’autre, ils découvrent qu’ils n’ont pas du tout la même conception de la vie en général et de la parentalité en particulier. Peu à peu, la femme du couple le plus obsédé par les apparences de la réussite sociale (Laura Birn) phagocyte sa voisine introvertie (Clémence Poésy).

David Farr s’empare des obsessions hitchcockiennes et les transpose dans le milieu bourgeois londonien. La ligne directrice de London house est ainsi le sentiment de culpabilité croissante d’une innocente faussement accusée qui la fait peu à peu sombrer dans une paranoïa remettant en cause les fondements de son identité. L’atmosphère d’inquiétante étrangeté qu’instille le réalisateur londonien pour retranscrire ce vertige de l’incertitude rappelle celle qu’Emmanuel Carrère avait cultivée dans La moustache, film dans lequel Vincent Lindon était seul à se souvenir d’avoir un jour porté une moustache et que les dénégations de ses proches entraînaient dans les abîmes de la folie. De la même manière dans London house, l’absence de soutien de l’entourage oblige la femme jouée par Clémence Poésy (avec l’opiniâtreté froide qu’il fallait) à s’accrocher becs et ongles à sa version des faits tout en affrontant un doute de plus en plus oppressant quant à sa santé mentale. La fausse coupable devient alors obsédée par la quête de preuves de sa lucidité, obsession qui la pousse paradoxalement à adopter des conduites déplacées qui confirment aux yeux des autres son dérangement.  

Parmi les nombreux films du maître du suspense, London house fait plus particulièrement écho à Vertigo. Clémence Poésy, magnétisée du haut de sa fenêtre sur jardin par les agissements suspects de sa voisine aux contours sculpturaux, évoque James Stewart tentant de ne pas perdre du regard la belle Madeleine, tandis qu’à Laura Birn échoit la partition de Kim Novak, dans le rôle de la femme dont l’identité est totalement dépendante du désir des autres. Suivant les pas de son génial inspirateur, David Farr montre bien à travers son personnage de blonde platine normopathe le profond désespoir qui sous-tend les jeunes femmes qui savent qu’elles ne sont pas aimées pour elles-mêmes mais pour leur ressemblance à un canon préétabli. En poussant plus loin l’analyse, on peut même dire qu’il propose une variation originale, et particulièrement glaçante, de la démonstration qu’avait déjà brillamment conduite Hitchcock : l’obstination à plier le réel à son désir engendre des monstres.

F.L.