Anne (Elise Caron) a 17 ans et un fort caractère. Peu avant qu'éclatent à Paris les événements de mai 68, elle fait sa propre petite révolution en quittant le domicile familial dans l'idée de rejoindre un kibboutz. Son amoureux (Philippe Lebas) et son inséparable acolyte (François Cluzet) la rattrapent. Commence alors une échappée belle loin de leur quotidien et de ses conventions.

   Avec ce ''film d'autostop'', à l'époque du dixième anniversaire de mai 68, la réalisatrice Diane Kurys choisit d'évoquer son esprit plutôt que ses luttes concrètes. En prenant la route, ces trois personnages s'affranchissent pour commencer de l'obligation sociale de faire quelque chose d'utile de leur temps. Mais ils s'ouvrent surtout aux rencontres de personnes de toutes classes sociales, de toutes opinions politiques, même aux antipodes des leurs, et à l'inconnu. A rebours de la vie confortable de papa-maman, l'héroïne découvre les orages de la liberté : ses inconforts, ses risques, mais aussi ses irremplaçables parenthèses exaltées.

   On suit avec attendrissement les aventures souvent comiques de ces trois gais lurons que Diane Kurys a pris soin de doter de personnalités contrastées. Le personnage principal féminin est comme dans son premier film Diabolo menthe son alter ego cinématographique : volontaire, plein de gouaille, volontiers lascif, et qui mène les garçons par le bout du nez. Ses deux adorateurs sont issus de milieux sociaux différents. Celui qu'elle a élu est complexé par ses origines populaires, et tente de surmonter son sentiment d'infériorité par sursauts d'actions héroïques. Le second pratique le délicat exercice de funambulisme qui consiste pour lui à devenir complice de celle qu'il aime grâce à sa culture tout en restant suffisamment à distance pour ne pas faire d'ombre à son ami. Ce rôle d'homme à la voix feutrée, nonchalant et bonhomme, qui serait aujourd'hui immanquablement tenu par notre Vincent Lacoste national, est interprété à l'époque par un très touchant jeune François Cluzet. Repéré par la réalisatrice alors qu'il joue Genêt au théâtre, c'est par ce rôle qu'il débute sa carrière cinématographique.

   L'ambiance de 68 nous parvient également dans Cocktail molotov à travers une entraînante bande originale composée par Yves Simon et interprétée par le chanteur britannique Murray Head, dont les accents woodstockiens font voyager le spectateur dans le temps, parallèlement au déplacement dans l'espace des acteurs. Deux sympathiques ba(l)lades nostalgiques.

F.L.