Hackney, quartier de Londres.

Au moment où ses amies pensent seulement à se divertir, à leurs amours, et accessoirement à leur avenir, Shola Joy Omotoso, alias « Rocks », une jeune fille orpheline de 15 ans d’origine nigériane bascule brutalement dans le monde des adultes. Sa mère Funke est en effet partie, lui laissant la garde de son petit frère Emmanuel. Se retrouvant seule, son unique famille étant sa grand-mère qui vit à Lagos, elle cherche à faire face à cette nouvelle situation qui deviendra au fil des jours de moins en moins tenable.

Sarah Gavron nous offre avec son troisième long métrage, Rocks, un film touchant  sur la relation pleine de tendresse entre une sœur qui essaye de cacher la vérité à son entourage et son petit frère qui réclame sa mère. Étonnant film de filles, au casting exceptionnel, et réalisé par une équipe technique presque entièrement féminine, le film nous fait part des préoccupations du monde des collégiennes.  Agnès, Khadijah, Sabina, Sumaya, Yawa, et Rocks, forment une bande d’amies avec ses joies mais aussi ses maladresses, et finalement ses limites, car des collégiennes ne sont pas des adultes. Même si elles en ont l’envie, leur statut d’enfant les empêchent de donner réalité à leur désir de solidarité et elles doivent gérer leurs frustrations et les contraintes du monde des adultes soi-disant « responsable ».

Ayant fait le choix de représenter la diversité sociale et culturelle dans le groupe d’amies, la réalisatrice de Rocks aurait pu basculer dans un film à thèse à la Ken Loach (Ce qui n’est pas rédhibitoire pour autant). Mais en se focalisant sur le personnage de Rocks magnifiquement interprété par Bukky Bakray, Sarah Gavron fait le portrait d’une adolescente complexe et attachante. Loin de tendre vers le misérabilisme et la caricature sociale, le long métrage met en avant au contraire les moments de joie et de plaisir partagés entre adolescentes tout en nous montrant les ressources de cet âge.

Les longs-métrages réussis sur le même sujet se comptent sur les doigts de la main. C’est pourquoi celui-ci peut être qualifié à juste titre de film rare, parce s’il est une fiction, il nous entraine dans un monde qui, grâce à la participation active des actrices au scénario, offre une réalité peu souvent décrite au cinéma.

Laurent Schérer