Sorti en 1983, ce 9e long métrage réalisé par David Cronenberg est sans doute l’un des films les plus marquant sur l’association entre le fantastique et le politique.

Après un terrible accident de voiture qui l’a laissé 5 ans dans le coma, Johnny Smith a développé une vision extra lucide : il est capable en touchant quelqu’un de connaître son avenir ou son passé. Au même moment dans la petite ville de Castle Rock, un tueur en série enchaine les victimes.

Dead Zone est une œuvre importante dans la carrière de Cronenberg.  Souvent citée comme son premier film grand public et américain, cette réalisation est également très intéressante en termes d’évolution narrative et de récit. Si la mise en scène reste sobre en comparaison du reste de sa filmographie (à l’exception d’une scène au ciseau où l’on retrouve la patte du maitre en 2 plans) c’est plutôt du côté du récit et de sa structure sur l’évolution morale du personnage que l‘œuvre séduit et que l’on peut retrouver les thèmes de Cronenberg (contamination du corps, nouvelle perception de la réalité) alors même qu’il n’a pas touché au script. En effet Dead Zone est un film de commande, piloté par la Paramount. À l’époque Cronenberg est auréolé du succès de Scanners mais a fait un four total avec l’incroyable Vidéodrome. Il accepte alors cette adaptation d’un roman de Stephen King produit par Dino de Laurentis et Debra Hill pour 10 millions de dollars. Le film en rapportera le double et donnera lieu à un téléfilm et une série dans les années 2000.

Le récit de King préfigure déjà son génial 22.11.1963 (même si au lieu de changer le passé le héros tente de modifier l'avenir) et aborde cette question classique de philosophie sur l’opportunité de tuer quelqu’un avant qu’il ne commette un crime.

Dead Zone travaille avec l’évolution morale de son personnage la question du don et de ses conséquences. Johnny Smith est un homme brisé qui a tout perdu après 5 années d’absence. Son corps est en miettes et cette faculté extra lucide qui le place au-dessus de ses semblables est un fardeau. La frontière entre clairvoyance et aliénation mentale est fine et notre Johnny Smith présenté comme une bête de foire finit par se réfugier dans la solitude. C’est sans compter sur le destin qui va placer sur sa route des événements tragiques qui remettront son pouvoir au centre de sa vie. La mise en scène très classique abrite un récit initiatique captivant qui vient confronter la vision du héros (déontologie/conséquentialisme) en lui opposant d’abord un tueur en série puis un politique démago et populiste dont l’impulsivité menace l’humanité.

Servi par un Christopher Walken très juste en medium tourmenté et par un Martin Sheen terrifiant en Trump avant l’heure, Dead Zone est un écho glaçant de notre époque qui vaut le détour pour sa structure dramatique impeccablement maitrisée et son final poignant.

Thomas