Luciénargas (Lucioles) est un film de la réalisatrice Bani Khoshnoudi née à Téhéran en 1977 et vivant actuellement au Mexique après des séjours aux États-Unis et à Paris. Citoyenne du monde, elle abordait dans sa déjà riche production artistique (elle a produit aussi des performances et des installations vidéo et sonores) les thèmes de l’exil et de l’immigration. Son nouveau long-métrage  est dans le prolongement thématique de ses anciens travaux

Les préoccupations du personnage principal du film, Ramin (Arash Marandi), jeune iranien homosexuel fuyant la répression dans son pays et exilé au Mexique oscillent entre des souvenirs d’un passé douloureux, les lenteurs d’un présent ralenti qui semble s’étirer à l’infini, et l’angoisse de l’avenir. Au gré de ses petits boulots qu’il trouve comme journalier, il va rencontrer Guillermo (Luis Alberti ) un ex-gangster Salvadorien bardé de cicatrices et de tatouages avec lequel il se lie. Il passe aussi beaucoup de son temps libre avec Leti, (Flor Eduarda Gurrola) la gérante de l’hôtel dans lequel il loge, où il semble être par ailleurs le seul client.

Au-delà des angoisses du personnage principal englué dans Veracruz, le film s’attarde aussi sur les espoirs de Guillermo et les états d’âmes de Leti. On est très loin de personnages monolithiques, chaque protagoniste étant décrit flottant dans les mêmes incertitudes quant à sa vie (sentimentale, professionnelle…).

Jouant constamment avec le jour et la nuit, utilisant des décors qui mettent en valeur les contrastes et les couleurs, la photographie du film participe à renforcer cet atermoiement dans les sentiments des protagonistes. Alors que la peau marquée de Ramin semble refléter les fissures des immeubles délabrés de Veracruz, son esprit vagabonde et se sent étranger au monde qui l’entoure. La distorsion que subit Ramin par son exil, est alors magnifiquement mise en scène. En cela ce film est avant tout une représentation de l’état d’esprit de ses personnages, et donc à l’opposé d’un documentaire factuel.

Ramin, Leti, et Guillermo, sont dans l’attente d’une vie nouvelle sans pouvoir occulter l’ancienne. Mais grâce à leur rencontre, ils pourront apprendre les uns des autres et survivre à leur histoire. La communication entre eux sera dense, parce qu’ils ont quelque chose à partager, pas uniquement par la parole, mais aussi dans le non-dit ou dans un magnifique moment de danse. En assumant son amour perdu (pour son amant et son pays) et en s’appuyant sur ses rencontres, Ramin pourra alors se reconstruire.

Luciénargas est un film magnifique, tendre et sensible, à voir cette semaine.

L.S.