Sans adieu est un film documentaire sur la (sur)vie de paysans du Forez. La survie en effet car les habitants de Montbrisson et des villages alentours rencontrés par le réalisateur sur une durée de 12 ans sont complètement démunis face à un système qui les dépasse et qui n’ont pas l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie. Au contraire tout semble aller de mal en pis. Entre les cotisations à payer, les normes à respecter, les papiers à remplir, et la maladie des hommes et des bêtes, Christophe Agou nous dresse un portrait effroyable de ce qui nous ferait plutôt penser aux déclassés du « peuple de l’abime » que décrivait Jack London dans son récit éponyme au début du XXème siècle, plutôt qu’à des habitants de la France du XXIème siècle.

Cependant il est une chose qui vient adoucir ce tableau terrifiant : quel que soit l’état d’esprit des personnes filmées, qu’elles soient déprimées, résignées ou révoltées, et malgré les misères qu’elles subissent, l’amour qu’elles portent toutes à leur bêtes, animaux domestiques ou animaux d’élevage, est inaltérable. Condamnés à la misère, ces gens ne reportent pas leur ressentiment sur plus faibles qu’eux, au contraire, ces épreuves renforcent le lien affectif entre les vivants. La scène terrible où l’un des éleveurs doit céder son troupeau n’en est que plus prégnante.

C’est pour ces raisons que le film montre que malgré l’âge, la maladie, un environnement pour le moins inconfortable, tous ces gens sont des êtres humains sensibles. Voilà ce qu’oublie la société qui les broie, sous prétexte de la nécessité d’une « adaptation » à la vie moderne, et qui ne permet pas à ces gens de rester attaché à leur terre, leur mode de vie, leurs animaux et plus globalement leur environnement. On ne les laissera pas mourir en paix, la société va plus vite et ne tolère pas ceux qui ne suivent pas la marche rapide vers le progrès.

Le réalisateur réussit en filmant au plus près les gestes quotidiens, les postures, les mots et tous les sons de la nature et de la ferme, à exprimer l’essence même de la vie de ces habitants du Forez. Natif lui-même de Montbrisson, petit village de la Loire, il est porteur de cette âme et a voulu avec succès témoigner de cette génération qui s’éteint.

Face à ce constat le spectateur ne peut qu’être bouleversé, à sa charge ensuite de faire attention à ce qu’il consomme et à porter un regard différent sur son environnement et son entourage.

L.S.