En juin 1992, le français Paul Marchand fait partie des premiers reporters de guerre à s’aventurer à Sarajevo alors que la ville est assiégée. Accompagné de quelques journalistes internationaux, il tente de rapporter au mieux l’horreur dont il est le témoin quotidien : bombardements, assassinats de civils, pénuries… Marchand n’a peur de rien et son bagou fait rapidement de lui le principal correspondant des médias étrangers. Son franc parler l’oriente vers un journalisme qui prône la prise de partie et le droit à la compassion. Une blessure grave à Sarajevo met fin à sa carrière de journaliste de guerre et, même s’il tente une reconversion dans l’écriture, le reporter se suicide en 2009. Sympathie pour le Diable (d’après l’un de ses romans éponymes) s’ouvre en novembre 1992, sept mois après le début du siège de la capitale de Bosnie-Herzégovine.

Bonnet sur la tête, épaisses lunettes et cigare au bec, c’est le comédien québécois [[Personne:3962 Niels Schneider]] qui prend les traits d’un Paul Marchand complètement exalté au volant de sa vieille Ford déglinguée floquée d’un provocateur “Dont waist your bullet, I’m immortal” (“Ne gaspillez pas vos balles, je suis immortel”). De la même manière que sa consœur Camille Lepage dont nous parlions récemment dans le film [[Film:163405 Camille]], Marchand n’est à l’aise qu’en terrain miné, ne reculant devant aucune prise de risque. Mais là où Camille Lepage impressionnait par son humilité et son optimisme (précisons aussi qu’elle n’a pas eu le temps d’acquérir la même notoriété que Marchand), l’envoyé spécial de Sarajevo apparaît comme un personnage agressif et animé par la colère. Bien que le film ait pour objectif de lui rendre l’hommage qu’il mérite, il n’omet pas ses côtés excessifs. C’est cette ambiguïté et ambivalence qui font de Paul Marchand un vrai personnage complexe de cinéma. Le film assume d’ailleurs totalement une part de romanesque, laissant place à des scènes de convivialité, d’amour et de fête qui marquent un vrai contraste avec le terrible conflit ambiant.

Le réalisateur [[Personne:266413 Guillaume de Fontenay]] a tenu de tourner son film en conditions, c’est à dire durant l’hiver sarajévien. Le traitement de l’image bleutée de cette ville en ruine amène une vraie sensation d’un froid glacial, d’un climat hostile à tout point de vue. Malgré la dureté de ce qu’il raconte, Sympathie pour le Diable n’a rien d’un film “choc”, mais relève de la chronique engagée, privilégiant les petites scènes de vie courantes au sensationnel. Cela n’enlève rien à son impact sur le spectateur, qui ne pourra s’empêcher de trouver résonance entre ces atrocités vieilles de vingt ans et les guerres qui frappent encore les civils du monde entier.

S.D.

à regarder sur Universciné : https://www.universcine.com/films/sympathie-pour-le-diable