Mjolk du réalisateur islandais Grimur Hakonarson (Béliers - Primé à Cannes) est d’abord un film porté par son actrice principale Arndis Hrönn Egilsdottir qui offre une superbe interprétation d’un personnage de femme agricultrice face à un véritable Goliath en la personne d’une coopérative mafieuse.

Inga et son mari Reynir vivent de la vente de leur lait dans une exploitation agricole islandaise. Suite à la mort accidentelle de son mari, Inga reprend les commandes de la ferme et se heurte à la coopérative hégémonique dans la région dont la prospérité tient à des pratiques plus que douteuses. C’est alors qu’elle déclare la « guerre du lait » pour retrouver son indépendance financière. Dans son combat, elle va chercher à convaincre ses voisins et les autres adhérents de la « coopérative » pour retrouver l’esprit de communauté qui a été à l’initiative de sa création.

Inga n’a pourtant pas le profil d‘une activiste. Femme d’un certain âge, bonne épouse et mère de famille, depuis toujours auprès de ses bêtes, elle ne cherche a priori pas les histoires, mais juste à être correctement rémunérée de son travail. Cependant, par la force du deuil qui a ébranlé ses certitudes et l’oblige à remettre ses habitudes en question, elle montre un caractère d’acier qui la conduit à la lutte. Jetant des regards noirs à ceux qui la contrarient, osant mettre en actions ses principes, elle bousculera son monde. Arndis Hrönn Egilsdottir incarne magnifiquement la force tranquille de cette femme à travers  son parcours vers l’émancipation.

Mjolk c’est ensuite un western/polar agricole à la croisée de Petit paysan et de Woman at war.

Dans une atmosphère de tension extrêmement bien rendue par le scénario et la mise en scène, le spectateur assiste à cette « guerre du lait » où tous les coups sont permis. Les plans oscillent entre de magnifiques plans larges des paysages islandais qui varient de couleurs selon les saisons, et des intérieurs filmés en plans serrés qui sont les espaces préférés des « mafieux ». Polar moderne parce que la guerre commence sur Facebook, le film est réaliste dans le sens où il montre que l’affrontement devient forcément physique et pas seulement virtuel pour que les choses bougent.

Réussissant à mélanger habilement les deux aspects du scénario (histoire personnelle du deuil et histoire politique et sociale) chacun portant l’autre, le réalisateur nous présente une métaphore des soubresauts d’une société où la modernité bouscule les traditions, où la peur du changement rime avec la peur de l’ouverture aux autres. Mjlok est un film à voir.

L.S.