Mickey est une adolescente qui vit seule avec son père dans une petite ville du fin fond du Montana. Entre le lycée, un petit boulot, et son mec lourdingue, Mickey n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, surtout qu’à la maison elle doit gérer les crises de son paternel, Hank. Vétéran de la seconde guerre du Golfe, il n’est plus le même homme depuis qu’il est rentré de la bataille de Falloujah. Sans emploi, alcoolique, et dépendant aux opiacés, il en fait voir de toutes les couleurs à sa progéniture. Ce n’est pourtant pas un mauvais bougre, il aime profondément sa fille, mais son syndrome de stress post traumatique le plonge dans des crises telles qu’il ne maitrise plus grand-chose. Malgré les difficultés, Mickey ne se laisse pas aller et rattrape jour après jour les bévues de son père. Cependant, chaque nouvelle crise vient saper son endurance. Alors, quand l’opportunité se présente de quitter pour de bon le foyer, elle doit faire face à un choix impossible.

Premier long métrage de la réalisatrice américaine [[Personne:265413 Annabelle Attanasio]], Mickey and the Bear est un film dur qui plonge son spectateur dans l’inexorable suffocation du quotidien de ceux qui vivent avec un proche atteint de maladie psychique. Un film lourd à porter qui soulève la question de la prise en charge des soldats américains atteints du syndrome de stress post-traumatique une fois ceux-ci retournés à la vie civile. Si le thème a été maintes fois débattu au cinéma, il prend ici une couleur différente puisque le film nous place, non pas dans la position du soldat lui-même, mais dans celle du proche. Sans soutien ni formation, il se retrouve en première ligne et sent sa vie basculer. Incapable de blâmer le malade et sans ressource face à la maladie, l’aidant se retrouve coincé entre son amour, son sentiment de devoir filial ou marital, et sa souffrance qu’il ne peut exprimer sans risquer d’aggraver la situation. En pareil cas, sa seule planche de salut est de prendre la fuite, au risque de se sentir coupable d’abandonner son proche.

Le thème est aussi souligné en creux par la totale absence de l’armée comme institution dans la prise en charge ou le suivi de Hank. Si le film ne fait pas de l’armée la grande coupable de la situation, son absence, son ingratitude presque, se fait pesante, même si là aussi, la réalisatrice fait preuve de subtilité.

D’autre part, le film marque par sa capacité à ne pas poser de jugement puisque sa jeune réalisatrice préfère laisser à son spectateur le soin de se positionner. Impossible en effet de ne pas se demander ce que nous ferions si nous étions dans la peau de Mickey. Fuirions-nous la maladie ou sacrifierions-nous notre vie à venir ? La question est d’autant plus difficile qu’[[Personne:265413 Annabelle Attanasio]] évite tout pathos ou esthétisation du sacrifice par une réalisation et une musique discrète. La gestion de l’émotion est d’ailleurs un des points forts du film puisque la complicité entretenue entre Mickey et Hank est propice à distiller des petits grains d’amour ou de folie douce qui permettent aux spectateurs de respirer et de ne pas douter des sentiments profonds que partagent les protagonistes.

Le film décrit également l’Amérique blanche rurale défavorisée, celle qui se divertit dans des concours de mangeurs de tartes et qui est oubliée par les politiques. Ainsi Mickey fera face à des médecins amorphes devant la détresse de leurs patients, des médecins qui se contentent de rendre des prescriptions sans s’impliquer émotionnellement, métaphore d’un organe central indifférent.

Pour conclure, Mickey and the Bear est un film riche en émotion dont on ne ressort pas tout à fait indemne. Si son thème est déjà largement documenté, la finesse de son traitement permet de nombreuses lectures qui amènent à la réflexion. Signalons enfin une réalisation quasi naturaliste de la part d’une cinéaste qui filme la violence comme l’espoir en restant toujours à la distance juste, et qui sait agrémenter son film de régulières oasis émotionnelles.

Gwénaël Germain