The Bra est un magnifique film sans paroles, poétique, nostalgique, au rythme tranquille. C’est une fable étonnante dont l’action se déroule dans un Azerbaïdjan à l’opposé des habituelles images des gratte-ciels de Bakou et de la réussite économique de ce pays au bord de la mer Caspienne.

Le personnage principal (Predrag Miki Manojlovic), un conducteur de train solitaire sur le point de prendre sa retraite, mène son train de marchandises aux wagons rouillés entre la campagne et un quartier de la ville où les petites maisons biscornues bordent la voie au plus près. Si près même, que les habitants annexent la voie comme terrain de jeu, de travail ou y font sécher leur linge.

C’est pour cela que régulièrement le conducteur retrouve sur son pare-brise un drap, un ballon ou tout autre objet qui n’aura pas été retiré à temps de la voie de chemin de fer, malgré les coups de sifflet d’un petit garçon qui court prévenir les habitants en avant du passage du train (c’est dire si le train roule vite…). Lors de son dernier passage, le train attrape ainsi un soutien-gorge, que le conducteur cherche à rendre à sa propriétaire.

The bra est l’œuvre d’un réalisateur allemand Veit Helmer (Baikonur) malheureusement méconnu en France malgré les quelques 180 prix qu’il a glanés pour ses films lors de sa carrière. Ce long-métrage est une réussite en matière de mise en scène. En effet, se privant volontairement de dialogues,  Veit Helmer a soigné son montage et sa réalisation afin de rendre les situations complètement compréhensibles au spectateur. L’humour du film est tendre, désopilant, mais aussi très souvent mélancolique. En effet, The bra est une fable où les mouvements, les gestes et les mimiques de ses comédiens sont magnifiés par un réalisateur qui arrive à nous émouvoir tout en nous faisant rire.

En travaillant la bande-son avec la musique, les chants des personnages, et les bruits de la vie, celle-ci permet de renforcer l’attention du spectateur sur sa composition et le jeu des acteurs. On notera par exemple un passage où le futur remplaçant du conducteur à la retraite (Denis Lavant) a construit dans son habitation une machine reproduisant les bruits du train afin de l’accompagner quand il joue de la trompette. L’esprit du spectateur ne pourra s’empêcher de se référer à cette scène lorsqu’il se retrouvera dans le train en marche.

Cependant, le film n’est pas qu’une comédie. En effet, transparait à travers le scénario la vision d’une société où les rapports entre les hommes ne sont pas toujours tendres et dans laquelle les conditions de vie peuvent être compliquées. Même les relations hommes femmes ne sont pas toujours faciles, et les réactions des maris aux questionnements du conducteur sont parfois violentes.

En recherchant la propriétaire du soutien-gorge, le conducteur est ainsi amené à rencontrer des intérieurs plus ou moins riches et des conditions de vies plus ou moins faciles. Sans proposer une analyse exhaustive de toutes les couches de la société, le conducteur nous fait découvrir des aspects variés de l’environnement qu’il traverse. Le film devient ainsi une mine de découvertes possibles.

Bref on ne s’ennuie pas une seconde en visionnant ce film, on aurait même plutôt envie de retourner le voir afin d’y découvrir encore d’autres images/sons/situations qui n’auraient pas capté notre attention lors du premier visionnage.

L.S.