Les Lucioles du Doc est une association pour une éducation critique à l’image, menant des ateliers d’écriture et de réalisation principalement destinés à des publics dit défavorisés, dans le but d’encourager le plus grand nombre à se réapproprier les questions fondamentales qui font le fonctionnement d’une société.

 Au début de l'année 2018, l'Assemblée nationale examine une réforme de la Constitution envisagée par Emmanuel Macron. Léa Aurenty et Jonathan Vaudey, les deux intervenants des Lucioles, ont l’idée de proposer une réécriture de cette constitution par ceux qui en dépendent les premiers : le peuple qui souffre et à qui on ne donne pas assez la parole. Trois groupes ont donc répondu présent au projet, l’association des Femmes solidaire de Villeneuve Saint Georges, des élèves de première ES du lycée Jean Jacques Rousseau de Sarcelles, et des détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.

Durant six mois, le duo de cinéastes Claudine Bories et Patrice Chagnard ont suivi Fanta, Geoffrey, Soumeya et les autres législateurs en herbe dans cette ambitieuse aventure. Mais le documentaire ne se contente pas de relater la louable intention, il se dote de codes fictionnels, avec une avancée progressive, du suspens, et surtout de vrais personnages. En effet, c’est lors du tournage que certaines figures de ces trois groupes se sont révélées devant la caméra, devenant les acteurs principaux du films. C’est ainsi que Geoffrey de Fleury-Mérogis impressionne par la qualité de son langage et amuse la galerie avec son entêtement, que Nadine, une femme plutôt réservée de Villeneuve Saint Georges, fait preuve d’un engagement extraordinaire dans la revalorisation de l’éducation, aux côtés de Fanta, elle aussi mère de famille, et désespérée par l’absence de perspectives d’avenir qui s’offrent à ses enfants. Le film met très justement en parallèle des extraits de débats à l’Assemblée nationale (alors encore présidée par un certain François de Rugy) autour de la Constitution -une affaire publique par excellence- avec des images de citoyens devant user de grandes stratégies pour faire parvenir le moindre courrier.

Tourné l’an passé, Nous le peuple avait en quelque sorte entamé le mouvement de parole des Gilets Jaunes, avec moins de frasques mais tout autant de revendications, le plus souvent pertinentes. L’absence totale d’équipements publics dans certaines zones (Fanta révèle les larmes aux yeux que sa ville ne possède ni poste ni banque), la discrimination, l’omniprésence des élites, l’abandon de la police… tant de sujets qui persistent dans les préoccupations actuelles.

Sans être démagogique ni relever de la propagande (le film ne se rattache à aucun mouvement politique en particulier), ce documentaire est avant tout un geste démocrate et apporte une lueur d’espoir dans le triste paysage des réalités sociales qu’il décrit.

S.D.