Okja s’inscrit parfaitement dans la cinématographie de Bong Joon-ho au même titre que The Host ou Snowpiercer. Depuis toujours le réalisateur sud-coréen se joue des genres pour mieux proposer une critique sociale.

Le réalisateur revient 4 ans après Le Transperceneige avec ce deuxième film américain (le précédant était une coproduction) derrière lequel se cache le mastodonte de la SVOD Netflix. À l’instar d’un Verhoeven à son époque, le cinéaste remplit parfaitement le cahier des charges du film de monstre à la E.T. en termes d’effets spéciaux, de poursuites, ou de personnages cartoonesque tout en proposant un discours corrosif sur nos sociétés.

D’un point de vue esthétique, il dépasse le décorum habituel des surproductions US en s’appuyant sur une imagerie asiatique. À ce titre, il suffit d’observer le design du cochon en images de synthèse qui accompagne la petite fille jouée par Seo-Hyun Ahn. Le Totoro d’Hayao Miyazaki ou les créatures des jeux de Fumito Ueda (Shadow of the colossus ou The Last Guardian) semblent prendre vie devant nos yeux ébahis

Mais surtout ce qui frappe dans le film c’est le refus de tout manichéisme. Le réalisateur montre que les adultes sont toujours intéressés et lâches. Même les défenseurs des animaux ne sont pas épargnés, ils manipulent les sentiments d’une petite fille ou sont prêts à conduire à la mort un animal juste pour la cause. Les rapports entre eux sont violents et l’ironie n’est jamais loin avec ce personnage obsédé par son empreinte carbone qui s’apprête à mourir de faim pour ne pas polluer la planète.

Le discours du réalisateur est sans équivoque sur le tournant soi-disant « responsable » de l’industrie. L’homme sera toujours conduit par l’appât du gain. Les jumelles incarnées par Tilda Swinton qui dirigent la société qui crée Okja, témoignent de la vision nihiliste du réalisateur. L’industrie agroalimentaire est là pour se faire du fric, elle peut déguiser sa production en bio, en plus équitable, mais derrière on retrouve toujours les mêmes abattoirs, la même gestion catastrophique de nos ressources. Sans révéler la finalité de l’intrigue, le cochon en or offert par le grand-père cristallise le discours du cinéaste.

Avec ces scènes de supermarchés ravagés, d’abattoirs dignes de camps de prisonniers, Okja c’est Spielberg qui aurait arrêté de prendre du Xanax et découvert toute la crudité du monde après son départ de Neverland dans Hook. Le présentateur TV, ancienne idole des enfants et interprété par Jack Gyllenhaal, rappelle les présentateurs des chaines Disney. Son personnage dénonce avec férocité une société du spectacle bêtifiante devenue l’esclave des multinationales.

À travers ce film, Bong Joon-ho revient à l’essence même du conte de fées :  le conteur parle du monde réel et de ses dangers grâce à l’allégorie.

Un grand film.

Mad Will