Échaudé par l’échec critique et commercial de The life and death of John F. Donovan, qui visait (entre autre) à conquérir Hollywood, le Québécois Xavier Dolan avait en 2018 entamé l’écriture d’un nouveau film, et ce avant même la fin de la post-production de Donovan. C’est ainsi qu’est né son projet Matthias et Maxime, comme un besoin vital de retour aux sources, à sa langue maternelle, à ses amis et acteurs proches. On retrouve le réalisateur comme on l’avait découvert en 2009 dans J’ai tué ma mère :  exalté et impressionnant de sincérité. Matthias et Maxime marque le retour de Dolan comme acteur, alors qu’il s’était depuis Tom à la ferme cantonné à son rôle de cinéaste. Il s’offre pour l’occasion la place du personnage principal taillé à sa mesure, Maxime, un gringalet aux cheveux décolorés avec un angiome envahissant sur la joue droite, comme une manifestation physique de ses blessures intérieures. Car bien qu’il porte la gouaille habituelle des héros dolanien, Maxime renferme un secret tortueux, son attirance pour son meilleur ami Matthias.

C’est à la suite d’un pari perdu que Maxime et Matthias doivent s’embrasser devant une caméra en action. Mais ce qui devait rester un baiser de cinéma se révèle être une expérience troublante pour les deux amis hétéros. Tandis que Matthias refoule le plus possible ses émotions, en choisissant de s’éloigner de son copain pour se consacrer à sa petite amie, Maxime quant à lui a beaucoup plus de mal à se contenir. Il annonce son départ prochain pour l’Australie, espérant ainsi susciter l’intérêt de Matthias. A partir de là, le compte à rebours est lancé et le film se construit dans l’attente de ce départ.

Xavier Dolan continue d’étudier la thématique de l’homosexualité comme tabou de la société. L’entourage de Matthias et Maxime est extrêmement gêné de déceler l’attirance amoureuse entre les deux vieux amis que l’on croyait hétérosexuels. Comme Francis dans les Amours Imaginaires, Guillaume dans Tom à la ferme, Louis dans Juste la fin du Monde et dernièrement John dans Life and death of John F. Donovan, Maxime doit sans cesse jouer un rôle pour cacher son orientation sexuelle et/ou accepter d'être rejeté pour avoir osé l’affirmer. A travers tous ces personnages en détresse, Xavier Dolan ne cesse de démontrer que l’homosexualité n’est jamais un choix. Maxime est sans doute son protagoniste le plus fouillé sur ce thème car on assiste en même temps que lui à la découverte de son orientation et en quoi cela l’affecte progressivement. Si le film n’a en apparence pas l’envergure narrative et dramatique d’un Laurence Anyways ou Donovan (extrêmement ambitieux dans leur récit qui s’étend sur plusieurs temporalités, avec beaucoup de personnages etc), Matthias et Maxime ne manque pas pour autant d’être un très grand film, justement dans sa modestie en matière de scénario, de décors, et même de bandes son. Dolan vise un univers bien plus authentique, avec un argot très présent et des chansons populaires « commerciales » (Britney Spears, Amir) et une bande originale signée Jean-Michel Blais imaginée à partir d’une sonate de Schubert.

Les aficionados verront sans doute ce huitième long métrage comme le plus réussi du prodige québécois, dans la mesure où il « corrige » ce qu’on pouvait lui reprocher à ses débuts (les longueurs façon auto-contemplation, l’esthétique clip) tout en gardant la fougue, l’humour et l’authenticité qui l’avait fait connaître. Pour les autres, Matthias et Maxime restera une histoire d’amour bouleversante, une très belle preuve que le désir vainc toujours sur la raison.

S.D.