Leo, un boxeur à la carrière déjà prometteuse, apprend qu’il est atteint d’une tumeur cérébrale déjà avancée. Appréhendant la maladie comme le pire adversaire, le jeune homme se déclare perdant d’avance et renonce pour la première fois à se battre. Mais sa rencontre impromptue avec Monica, une jeune toxicomane forcée de se prostituer pour éponger les dettes de son père, va complètement changer le cours de sa vie. Au centre d’une affaire rocambolesque mêlant flics corrompus, pègre locale et trafic de drogue, Monica est sauvée in extremis par Leo d’un guet-apens tendu dans les rues de Tokyo. Alors qu’il ignore totalement le passif de la jeune femme, le boxeur repenti est immédiatement séduit par la fragilité de celle-ci, et décide de l’escorter dans sa course contre les bandits.

First Love se déroule sur une seule et longue nuit, un cauchemar auquel aucun monstre ne manque à l’appel. Mis à part Leo et Monica dont la pureté se manifeste d’emblée par leur physique (lui à une tête de poupon, elle une longue robe blanche), tous les personnages sont frappants d’immoralité. Ils sont armés jusqu’aux dents, poussent des hurlements à en déformer leurs visages, ne sont animés que par le désir de se venger ou de s’enrichir, tandis que les deux jeunes protagonistes n’ont que leur amour naissant pour les convaincre de rester en vie. Takashi Miike raconte la violence des rapports humains et ne lésine pas sur sa représentation frontale : le film, il faut le savoir, n’est pas conseillé aux âmes sensibles, même si la violence et le gore sont le plus souvent tournés en ridicule et font basculer le film vers le burlesque. En effet, Miike joue la surenchère dans les scènes d’action : accident de voiture, incendie, têtes explosées, gorges tranchées… Le grotesque naît de cette accumulation que le réalisateur accompagne d’un humour assez fin sur la société japonaise (le yakuza malhonnête qui ne cesse d’accuser les Chinois, les cibles qui se traquent grâce à des applications mobiles sur-intelligentes).

Pourtant, en parallèle à ce récit joué crescendo (à la fin les ennemis semblent s'abattre par principe, sans aucun motif) se discerne une rétrogradation en filigrane : la ville de Tokyo, dans ce qu’elle a de plus moderne et connectée, est d’abord le théâtre d’affrontements “à l’américaine” avec toutes sortes d’armes extravagantes, mais que les personnages abandonnent ensuite progressivement au profit de sabres, une arme plus traditionnelle, avant d’en venir “simplement” aux mains, façon kung-fu hongkongais. Enfin, Miike place également une référence à l’art d’origine : pour représenter une des cascades finales, une séquence animée à la manière d’un manga vient remplacer la prise de vue réelle. Même si cette option est peut-être le résultat d’une restriction financière, elle s’aligne parfaitement dans la démarche du film d’opérer un retour aux sources.

En bref, First Love séduit tout autant les amateurs de baston que les cœurs purs. Difficile en effet de ne pas entrer dans la danse effrénée à laquelle le film nous invite : un spectacle pop et survitaminé dont le clou, brillant et métallique, est aussi précieux qu’un premier amour.

Suzanne Dureau