Levan danse depuis son plus jeune âge dans l’Ensemble National Géorgien avec son frère et sa partenaire de toujours, Mary. La pratique est très exigeante et enseignée sous l’égide d’un régime moral strict, dans lequel la différence n’a pas sa place. Ainsi, lorsque le talentueux et charmeur Irakli débarque pour prétendre à l’audition la plus prestigieuse du pays, Levan se confronte à son plus grand rival : son désir.

En juin dernier, alors que la Géorgie s’apprêtait à célébrer sa toute première Gay Pride, Amnesty révélait qu’une « milice populaire armée » créé par un homme d’affaires local avait vu le jour dans le pays, dans le but d’ « éradiquer » les personnes affiliées à la communauté LGBT +. Bien que la discrimination à caractère homophobe et ses dérivés soit interdite en Géorgie, la stigmatisation et le rejet restent très présents dans l’esprit de la population. Cela s’explique en grande partie à cause de l’Église orthodoxe qui, bien qu’en principe séparée de l’État, exerce une influence importante sur le régime politique et social du pays.

Par ailleurs la religion est très liée à la danse traditionnelle que pratique Levan dans le film. Le professeur y incarne une figure presque christique, toute puissante et vénérée par ses élèves dont l’avenir dépend de ses décisions. Il court ainsi la rumeur que Zaza, un danseur prodigue recruté au ballet national, s’est fait mettre dehors lorsque son homosexualité a été découverte, et se prostitue désormais aux portes de la ville. Cette image de l’ange déchu incarne le cauchemar de tous les camarades de Levan. Le film porte lui-même cette menace, en s’efforçant d’être joyeux (beaucoup de scènes de fêtes, de rires, de danses) tout en instaurant une tension, la peur que Levan et Irakli soient découverts. Car très vite, les deux danseurs, bien que concurrents, deviennent complices et leur amitié se transforme en désir secret.

Le réalisateur [[Personne:262936 Levan Akin]] (suédois d’origine géorgienne) envisage souvent sa mise en scène en duel, la tradition géorgienne étant tellement contradictoire à l'insouciance de la jeunesse que le film dépeint. Ainsi, les scènes de leçons viennent s’opposer à la danse libre que les jeunes pratiquent dans les soirées ou dans la rue, et les moments de complicité qu’ils occasionnent font barrage aux tensions familiales que connaissent les deux héros. Leur désir de liberté apparaît comme un cri de rage au milieu d’une foule qui les rejette.

C’est en cela que le film, même s’il est imparfait, construit intelligemment sa réponse à ceux qui ne veulent pas comprendre. Ce qui persiste après la projection, c’est le frisson du coup de foudre plus fort encore que celui de l’intolérance. On peut dire alors qu’une partie de la bataille est gagnée.

S.D.