Primé par le Valois de diamant au festival d’Angoulême et sélectionné à Annecy et Cabourg ainsi que dans la section « Un certain regard » au dernier Festival de Cannes, le film Les hirondelles de Kaboul semble déjà avoir trouvé un public. Cette libre adaptation par [[Personne:1530 Zabou Breitman]] (au scénario et à l’adaptation) et [[Personne:224245 Éléa Gobbé-Mévellec]] (pour les graphismes) du roman éponyme de l’écrivain algérien Yasmina Khadra, se focalise sur quelques journées de vie de deux couples, et nous retrace le quotidien oppressant des Afghanes et Afghans dans un pays sous l’emprise des talibans. Nous retrouvons ainsi d’un côté Atiq, vétéran de la guerre contre les Russes, gardien de la prison pour femmes en attente d’exécution, et sa femme Mussarat, atteinte d’un cancer généralisé, et de l’autre un jeune couple formé par un ancien professeur d’histoire, Moshen, et sa femme peintre, Zunaira.

Ce qui marque en tout premier lieu dans ce film, c’est son visuel constitué de tableaux époustouflants. Magnifiquement peint à l’aquarelle, le dessin offre un contraste saisissant entre l’harmonie et la douceur des couleurs pastel et la violence du contenu. Le découpage cinématographique ainsi que l’hyperréalisme revendiqué dans le jeu des personnages donnent de plus un rythme de thriller.

Si le contexte, Kaboul sous le régime des intégristes musulmans, nécessite forcément et justement un parti pris, la description de la société afghane semble toutefois très manichéenne. (On préférera la vision « locale » de cinéastes afghans [[Personne:7060 Shahrbanoo Sadat]] ou [[Personne:14411 Atiq Rahimi]].)

Pour autant, le sujet ici n’est pas seulement la dénonciation du régime taliban à travers l’oppression qu’il a fait subir aux femmes. C’est également la mise en évidence du côté faillible de l’être humain qui permet au film de capter l’attention du spectateur et gagner en profondeur. En effet, quoi de plus subversif que de rappeler que rien n’est jamais certain dans un pays gouverné par des religieux pétris de certitudes ! Chacun des protagonistes se rend vite compte que ses certitudes n’en sont finalement pas. Et sans vouloir dévoiler la fin, celle-ci ne correspond pas à ce que le spectateur attendait.

Enfin, le film s’interroge sur la part d’ombre qui réside en chacun de nous et l’opportunité de la cacher ou de la révéler. En effet, quelles sont les conséquences de la possibilité d’expression des pulsions inconscientes parce que l’environnement change ? Ce thème souvent traité dans les films de guerre est montré ici sous un jour nouveau et original. En filigrane, le film traite également du conformisme et de la « bien-pensance», thèmes qui peuvent être exportés dans nos propres sociétés « respectables ».

Bref un très beau film, qui traite de thèmes universels, et qui ne laissera aucun spectateur indifférent.

L.S.