Sortie en 1991, Épouses et concubines réalisé par Zhang Yimou, lion d’argent à la Mostra de Venise la même année, est à nouveau en salles en version restaurée. Véritable bijou du cinéma chinois, c’est le dernier volet après Le Sorgho Rouge en 1987, et Ju Dou en 1989, de ce que les critiques patentés considèrent classiquement comme une trilogie sur la condition féminine au sein du système patriarcal chinois. Soit Songlian, jeune femme de 19 ans, qui décide de devenir la 4e épouse du maître Chen afin d’échapper à la misère. Elle découvre alors que sa nouvelle vie est désormais régie par des coutumes ancestrales extrêmement codifiées qui cadenassent chacun et chacune dans un rôle déterminé. Ainsi le maître, grand gagnant de ces traditions taillées sur mesure, choisit chaque jour avec qu’il passera la nuit et l’indique dans tout le domaine en allumant les lanternes rouges de la maison de « l’heureuse élue ». Il peut folâtrer avec qu’il veut (épouses ou non) et se marier autant qu’il le veut. Le réalisateur du récent giga blockbuster sino-américain La grande muraille (oui oui c’était bien lui mais le scénario en moins) analyse ces relations vouées à l’échec car imposées par un jeu dont les règles sont biaisées. Les femmes, prises au piège de ce mécanisme pervers, n’ont d’autre choix pour survivre que de s’assurer les faveurs du maître. Et tous les coups sont permis.

Adaptation d’un roman de Su Tong, le réalisateur trouve donc ici le matériau parfait pour façonner minutieusement un carcan autoritaire et archaïque, allégorie d’une Chine complétement assujettie à son Parti. Le Maitre Chen, que Zhang Yimou ne filme jamais de près ou de face, incarne cette figure omnisciente, finalement peu présentée à l’écran mais qui déborde du film, innervant chaque scène et chaque plan.

Au service de cette idée redoutable et d’une grande puissance évocatrice, une photo incroyable sublime tout le symbolisme du film et notamment le rite des lanternes rouge qui donne lieu à des séquences d’une grande beauté. La précision de la mise en scène et notamment la composition des cadres, véritables tableaux, est sublimée grâce à cette version restaurée et nous rappelle tout le talent de ce grand réalisateur.

Après Faster Pussycat ! Kill ! Kill ! sorti en mai dernier, le distributeur Films sans frontières nous régale encore d’un bon classique qu’il est impératif de voir ou de revoir.

T.K.